Présidentielle au Mali : les partis reviennent en force
Fini le consensus. Conscient des enjeux d’une année électorale déterminante, le Mali tout entier redécouvre la politique. Des nombreuses formations diluées dans la mouvance présidentielle aux quelques leaders d’opposition, chacun reprend ses marques. Pendant que le chef de l’État, Amadou Toumani Touré peaufine son bilan.
Où va le Mali ?
La jeune démocratie malienne, qui fête cette année ses 20 ans, s’apprête à vivre un moment crucial : les élections générales de 2012. La présidentielle tout d’abord, dont le premier tour est prévu en avril, marquera la fin de l’ère « ATT », acronyme dont les Maliens affublent par commodité, ou affection, leur président, Amadou Toumani Touré. Lequel a confirmé depuis plus d’un an que, conformément à la Constitution, il ne briguerait pas de troisième mandat.
Dates clés
1960
Indépendance, le 20 juin, de la Fédération du Mali, qui regroupe le Sénégal et le Soudan français. Le 22 septembre, ce dernier proclame son indépendance et devient la République du Mali, présidée par Modibo Keita.
19 novembre 1968
Coup d’État. MoussaTraoré devient président du Comité militaire de libération nationale puis chef de l’État. En 1979, il instaure un parti unique.
26 mars 1991
Coup d’État d’AmadouToumani Touré, qui met en place un Comité de transition pour le salut du peuple.
26 avril 1992
Victoire d’Alpha Oumar Konaré à la présidentielle. Réélu le 17 mai 1997.
12 mai 2002
AmadouToumani Touré est élu président et investi le 8 juin. Il est réélu le 29 avril 2007, dès le premier tour.
Sa personnalité, son style de gouvernance et son bilan, plutôt positif, font de l’alternance annoncée un enjeu capital pour le Mali, modèle de stabilité politique et de croissance économique dans une région traumatisée, au cours des dix dernières années, par une succession de crises au Togo, en Guinée, au Niger et en Côte d’Ivoire.
Cadors et suiveurs
L’arrivée d’une nouvelle équipe aux commandes du pays signifie également le retour de couleurs plus marquées sur l’échiquier politique, après un quinquennat de consensus (« Tous derrière ATT ! »), puis un autre caractérisé par une écrasante majorité présidentielle (144 députés sur 147) et une opposition réduite à sa plus simple expression – symbolique. Deux quinquennats qui ont privé les partis politiques de leur vitalité, rouillé leurs appareils et démobilisé leurs militants. Mais la perspective de la présidentielle en 2012 les a sortis de leur torpeur. D’autant qu’elle sera suivie, quelques mois plus tard, de législatives qui devraient redessiner les équilibres.
Décrite sommairement, la classe politique malienne est constituée d’un quatuor de mastodontes, d’une dizaine de partis moyennement implantés et d’une nuée de formations représentant autant de coquilles vides, le tout équivalant à une centaine de partis politiques à l’existence légale.
Les quatre premières formations politiques, selon leur poids dans les institutions élues, sont l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), l’Union pour la République et la démocratie (URD), le Parti pour le développement économique et social (PDES, regroupant personnalités et organisations qui se réclament du programme présidentiel) et le Rassemblement pour le Mali (RPM).
Conscients des dérives que peut provoquer une échéance politique porteuse de tels enjeux et pour mieux la préparer, trois des quatre cadors – l’Adema, l’URD et le RPM – ont initié un processus de dialogue pour l’élaboration d’une sorte de charte de bonne conduite, ainsi qu’une plateforme sériant les valeurs et principes communs pouvant servir de critères à une gouvernance commune, le cas échéant. Bref, un prélude aux alliances politiques qui ne manqueront pas de se dessiner.
Alternance annoncée
Avant de quitter Koulouba, le 8 juin 2012, ATT aura balisé le terrain politique pour son successeur. Le pays devra être doté d’une Constitution largement revisitée et d’une législation profondément dépoussiérée, avec, notamment, un nouveau code de la personne et de la famille. Le dispositif électoral sera rénové par la suppression de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et de la Délégation générale aux élections (DGE), remplacées par l’Agence nationale des élections, une structure autonome qui sera dorénavant chargée d’organiser les opérations de vote et de veiller à leur bon déroulement ainsi que d’actualiser annuellement le fichier électoral, si controversé.
En menant ce profond remaniement au sein de l’édifice institutionnel, ATT aura, une nouvelle fois, remporté un pari singulier : s’être assuré que ses réformes ne seront pas remises en cause par son successeur. Le processus lui a pris ses trois dernières années au palais présidentiel, mais il l’a mené avec l’appui « sans réserve » des quatre grands partis. Nul besoin d’être grand clerc pour deviner que le prochain locataire de Koulouba sera certainement issu de l’une de ces formations, avec un léger avantage pour le moment en faveur du candidat de l’Adema.
Sur le plan économique, le successeur d’ATT devrait trouver une situation financière confortable, avec des projets et des chantiers en cours au financement assuré. Toutefois, le tarissement de la manne libyenne pourrait compliquer l’élaboration du budget de l’État. C’est dire l’importance de l’appui que la Jamahiriya apportait à la République du Mali ces dernières années.
La crise en Libye va influer sur la loi de finances, mais aussi sur l’irrédentisme touareg, et ses effets s’annoncent catastrophiques. L’instabilité des trois grandes régions du Nord – Gao, Kidal et Tombouctou – n’est pas pour arranger un secteur touristique sinistré. Mais à quelque chose malheur est bon : résultat de la crise financière internationale, le cours de l’once d’or est au plus haut. Une bénédiction pour le Mali, qui, après l’Afrique du Sud et le Ghana, en est le troisième producteur africain.
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