États-Unis – Moyen-Orient : la main tendue de George W… Obama
Dans son discours du Caire, en 2009, le président américain Barack Obama avait annoncé une politique de la main tendue à l’égard des pays musulmans. Mais il n’en est toujours rien. Bien au contraire.
Sur au moins trois dossiers cruciaux pour la paix dans le monde et pour les intérêts américains – le conflit israélo-arabe, l’Afghanistan-Pakistan et le Yémen-Somalie –, Barack Obama s’est montré pour le moins imprudent.
Sa capitulation face à Israël sur la question palestinienne a choqué une grande partie de la communauté internationale et a gravement terni l’image de son pays aux yeux des Arabes et des musulmans. Pour s’assurer le vote juif à la prochaine présidentielle, Obama mène désormais à l’égard du monde musulman une politique diamétralement opposée à celle qu’il avait éloquemment annoncée dans son discours du Caire, en 2009. S’il devait user du droit de veto américain au Conseil de sécurité de l’ONU pour faire obstacle à l’adhésion de l’État de Palestine, c’est qu’il aura cédé face au racisme, à l’islamophobie, aux néoconservateurs belliqueux et à l’appétit expansionniste du Grand Israël.
En Afghanistan, Obama semble vouloir ouvrir des négociations avec les talibans, alors que ses chefs militaires et ses diplomates veulent d’abord tuer les talibans. Ce n’est certainement pas le meilleur moyen de faire venir les insurgés à la table des négociations. C’est à se demander qui pilote la politique étrangère américaine…
Dans un message envoyé à l’occasion de l’Aïd el-Kébir, le mollah Omar, leader des talibans, a laissé entendre qu’il serait disposé à participer à des négociations. « Je n’exclus aucune option qui permettrait d’aboutir à l’instauration d’un régime islamique indépendant en Afghanistan », a-t-il écrit. Il a appelé les puissances étrangères à retirer leurs troupes « immédiatement » afin de trouver une solution durable. À l’intention de ses opposants locaux, il a souligné le fait que les talibans ne souhaitaient pas monopoliser le pouvoir et que toutes les ethnies seraient associées à « un véritable régime islamique qui serait acceptable pour toutes les composantes du pays ». Les États-Unis et leurs alliés auraient été bien avisés de répondre favorablement à ce message.
Fiasco. Une conférence est convoquée à Bonn, en décembre, pour faire le point sur la guerre de l’Otan en Afghanistan. Ayant perdu confiance dans la capacité du gouvernement Karzaï à les protéger, eux et leurs familles, vingt-cinq mille hommes ont déserté les forces armées afghanes au cours du premier semestre de 2011. Et le retrait des troupes de la coalition est prévu pour la fin 2014. N’est-il pas temps, dans ces conditions, de lancer immédiatement une offre de négociation, assortie d’une promesse de retrait anticipé ? Le sujet est d’autant plus brûlant que la stratégie américaine de contre-insurrection vire au fiasco.
Même l’allié pakistanais s’est rebiffé. Et menace ouvertement de soutenir les ennemis de l’Amérique.
En juillet, Ahmed Wali Karzaï, l’influent frère du président, a été abattu à Kandahar. En août, les talibans ont attaqué le consulat britannique à Kaboul. Le 10 septembre, l’explosion d’un camion piégé a fait cinq morts et soixante-dix-sept blessés américains dans une base militaire de l’Otan – les pertes les plus lourdes enregistrées par les forces étrangères au cours d’un seul incident. Le 13 septembre, des insurgés ont assiégé pendant vingt heures l’ambassade des États-Unis et le QG de l’Otan au cœur de Kaboul, dans un périmètre censé être le plus sécurisé du pays. Enfin, le 20 septembre, Burhanuddine Rabbani, chef du Haut Conseil de paix, a été assassiné dans un attentat-suicide.
Ce Tadjik avait été chargé par le président Karzaï de chercher un terrain d’entente avec les talibans. Cadre des moudjahidine lors de la guerre contre les Soviétiques dans les années 1980, il a été président entre 1992 et 1996, avant d’être renversé par les talibans. Il devient alors une figure de l’Alliance du Nord – composée de Tadjiks, d’Ouzbeks et de Hazaras –, qui a combattu les islamistes jusqu’à leur chute au lendemain de l’invasion américaine de 2001. Personne n’a revendiqué l’assassinat, mais des soupçons pèsent sur le réseau Haqqani, soutenu par le Pakistan.
Islamabad a des intérêts vitaux en Afghanistan, qui lui offre une profondeur stratégique pour contrer l’influence indienne. Les Pakistanais, qui soupçonnent Karzaï de frayer avec les Indiens, préfèrent apparemment avoir affaire aux talibans plutôt qu’à un régime soutenu par les Américains. La mort de Rabbani prive en tout cas le président afghan d’un allié clé et pourrait déboucher sur une guerre civile si aucune tentative de dialogue n’est amorcée avec les talibans.
Entrée dans sa onzième année, la guerre d’Afghanistan a ruiné les États-Unis, gravement déstabilisé l’État pakistanais et menace de briser l’alliance américano-pakistanaise. À la mi-septembre, devant le Sénat, l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmées des États-Unis, a accusé le Pakistan et ses puissants services secrets, l’Inter-Services Intelligence (ISI), d’être de connivence avec le réseau Haqqani.
En « instrumentalisant l’extrémisme violent », a-t-il déclaré, Islamabad sape l’effort militaire de Washington et menace le partenariat stratégique américano-pakistanais. La réponse des intéressés n’a pas tardé : le 22 septembre, le général Asad Durrani, ex-patron de l’ISI, a évoqué « un conflit de faible intensité » entre les deux alliés. Pis, il a estimé que le Pakistan devait soutenir les ennemis des États-Unis en Afghanistan si ces derniers continuaient à lancer des attaques aux drones sur le territoire pakistanais.
Traque sans merci. Pendant ce temps, les forces spéciales américaines continuent de traquer les talibans et leurs partisans, multipliant les raids nocturnes, comme celui du 2 septembre, au cours duquel Sabar Lal, un Afghan prospère, a trouvé la mort à son domicile, à Jalalabad. Selon la presse, les Américains sont entrés par effraction, ont menotté le maître des lieux et ses invités, leur ont bandé les yeux, avant de conduire Sabar sur la véranda et de l’exécuter. Ce dernier avait combattu les Soviétiques en Afghanistan, passé cinq ans à Guantánamo et tenté de refaire sa vie avec sa famille. Cela n’a manifestement pas suffi à dissiper les soupçons des Américains à son égard…
Au Yémen et dans la Corne de l’Afrique, le recours croissant des États-Unis aux attaques de drones, avec leurs inévitables dégâts collatéraux, a provoqué la colère de la population. Selon le Washington Post, l’administration Obama a utilisé des drones pour frapper Al-Qaïda en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Pakistan, en Somalie et au Yémen. Depuis 2001, ce programme a tué deux mille activistes et civils.
Ne faut-il pas se demander si la politique américaine n’a pas créé davantage de terroristes que la CIA n’en a tué ? Les États-Unis ne feraient-ils pas mieux de clamer tout simplement leur victoire en Afghanistan – et partout où leurs forces spéciales sont engagées – et de rapatrier leurs troupes aussi vite que possible pour se concentrer sur les maux qui rongent leur propre société ?
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