Kenya : Wangari Maathai, des racines et des ailes
Elle fut la première africaine à recevoir le prix Nobel de la paix. Wangari Maathai est morte, le 25 septembre, à Nairobi.
« Une femme, une femme noire est un arbre / Qui tiendra tête à toutes les pluies / Affrontera averses, orages et ouragans / En restant bien enracinée. / Un arbre qui regardera en face le soleil rageur / Et le laissera avaler le peu d’eau / Qu’elle peine à extraire du plus profond lit d’eau », écrit la poétesse ougandaise Susan Kiguli dans The Resilient Tree. Le 25 septembre 2011, à Nairobi (Kenya), c’est un arbre encore jeune qui est tombé.
Elle avait résisté à toutes les averses, mais à 71 ans, Wangari Muta Maathai a plié face à un ennemi tenace : le cancer. Les forêts d’Afrique la pleurent. Et avec elles celles et ceux qui se sont reconnus dans un long combat pour la paix et la protection de l’environnement. Son sourire était radieux, ses toilettes hautes en couleur, sa détermination farouche. Pionnière dans bien des domaines – diplômée en biologie du Mount Saint Scholastica College (Kansas, 1964) et de l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie, 1966), elle décroche à 31 ans le titre de docteure à l’Université de Nairobi (1971), où elle deviendra la première chef du département vétérinaire en 1976 –, elle a connu la consécration en obtenant, en 2004, le prix Nobel de la paix. Le premier venant couronner l’œuvre d’une femme africaine.
Cette œuvre, c’est le Green Belt Movement (le Mouvement de la ceinture verte), qui s’appuie sur une idée simple et géniale. Pour lutter contre la déforestation, dont les conséquences écologiques et humaines sont catastrophiques, Wangari Maathai propose, dès 1977, de planter des arbres. Elle commence en plantant neuf pousses dans son propre jardin et, quinze ans plus tard, son mouvement compte 50 000 femmes ayant planté plus de dix millions d’arbres.
Souvent insultée, menacée, parfois même emprisonnée, elle avait refusé de se taire.
Forte de son Nobel et de sa gouaille, l’infatigable militante était devenue une interlocutrice incontournable pour tous les hommes politiques, dirigeants d’entreprises et autres sommités de passage à Nairobi. Ainsi, en mars 2010, quand celui qui dirigeait alors le Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, décide d’annoncer la création d’un « fonds vert » permettant de financer la lutte contre le réchauffement climatique, c’est en présence de Wangari Maathai qu’il le fait. Juste avant de se soumettre à l’exercice symbolique de rigueur : il met en terre un Warburgia ugandensis, arbre connu dans la région pour ses propriétés médicinales… Wangari Maathai, toute de jaune vêtue au milieu des costumes-cravates, l’encourage vivement.
La peau d’un éléphant. Pour en arriver là, il fallait avoir l’écorce solide ! Sous le règne autoritaire de Daniel arap Moi, la forte tête a connu la prison pour s’être opposée à la construction d’un immeuble de 62 étages dans le parc Uhuru de Nairobi (1989). Elle fut tabassée pour s’être faite le porte-voix des prisonniers politiques (1992) et traitée de « folle », de « pantin ignorant et lunatique à la solde d’intérêts étrangers ». Inébranlable sur ses racines, elle répondait en souriant : « Ils pensent qu’ils peuvent m’embarrasser et me faire taire avec des menaces et des noms d’oiseau ? Mais j’ai une peau d’éléphant ! Et quelqu’un doit élever la voix ! Autant ne rien faire si je ne dois rien dire. » Obstinée, elle parlait et agissait pour semer le futur – notre futur.
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