Fanny Pigeaud : « Le besoin de dire les choses » sur le Cameroun de Paul Biya
« Au Cameroun de Paul Biya », le livre de la journaliste française Fanny Pigeaud, suscite un vif débat. Il faut dire que la charge est sévère. Explications avec l’auteure.
Présidentielle camerounaise : Paul Biya, jusqu’à quand ?
Les ouvrages politiques consacrés au pays de Paul Biya n’étant guère fréquents, leur publication ne passe pas inaperçue. Avec Au Cameroun de Paul Biya (éd. Karthala), qui a immédiatement fait débat dans les colonnes des journaux camerounais, la journaliste française Fanny Pigeaud – ancienne correspondante de l’AFP et du quotidien Libération – a écrit un livre à charge. À ses yeux, Biya, qui représentait l’espoir du changement en 1982, s’est mué en manipulateur immobile, qui divise les élites et exacerbe les sentiments ethniques. Non sans un certain schématisme et quelques dérapages culturalistes, elle pointe aussi du doigt le défaitisme ambiant et une opposition dont les leaders « n’ont jamais pu incarner une alternative ». Le livre dérange, mais il marche. Le premier tirage, en août, arrive à épuisement, alors que, au Cameroun, une seule librairie privée de Yaoundé l’a mis en vente.
Jeune Afrique : Vous attendiez-vous à une telle polémique après la sortie de votre livre ?
Fanny Pigeaud : Pas vraiment. Je savais qu’il n’allait pas plaire, mais je ne m’attendais pas à ce qu’on en parle autant, ni à ce que les critiques soient aussi violentes. Mes détracteurs s’emploient surtout à en discréditer le contenu. Au début, ils ont affirmé qu’il n’apportait rien. Leur colère, dans ce cas, est étrange. Ensuite, ils ont laissé entendre que j’étais payée soit par Nicolas Sarkozy, soit par des victimes de l’opération Épervier, soit par l’opposition. Enfin, des journaux proches du RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais, NDLR] ont prétendu que je n’étais qu’un prête-nom. C’est la même rhétorique depuis Ahidjo : on joue sur la fibre patriotique des Camerounais pour atteindre la crédibilité des opposants ou des critiques venant de l’extérieur. À Paris, des Camerounais se sont rués dans les librairies, certains repartant même avec cinq à dix exemplaires. Cela prouve bien qu’il y avait un besoin de dire les choses ou de les voir écrites.
Comment avez-vous travaillé ?
Je me suis appuyée sur les enquêtes que j’avais réalisées sur place pendant mes quatre années camerounaises et sur un rapport que j’avais fait pour l’ONG International Crisis Group. Depuis mon départ, en 2009, je suis retournée à plusieurs reprises au Cameroun, la dernière fois en février 2011. Mes interlocuteurs sont des acteurs de la vie politique, des personnalités du premier cercle du pouvoir comme des membres de l’opposition. La plupart n’ont pas été cités, non seulement pour respecter le pacte de confiance que nous avions scellé – ils ne devaient pas être identifiés –, mais aussi parce que l’écriture du livre n’était pas l’objectif premier de nos échanges. Je me suis également plongée dans des livres traitant des périodes que je n’avais pas connues.
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Propos recueillis par Clarisse Juompan-Yakam
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