Tunisie : l’Union européenne veut redorer son blason
Protestations d’amitié, promesses de dons… L’Union européenne et les États-Unis se livrent à une offensive de charme pour conquérir la Tunisie.
La révolution tunisienne n’a pas seulement fait tomber un régime, elle a aussi rebattu les cartes du jeu diplomatique. Symbole du Printemps arabe, la Tunisie suscite un vif intérêt chez les pays occidentaux, bien décidés à en faire une vitrine de la démocratie au Maghreb.
Le 28 septembre, Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, était à Tunis pour présider au côté de Béji Caïd Essebsi, le Premier ministre, la première réunion du groupe de travail Union européenne-Tunisie. « Nous voulons que vous réussissiez. Je suis ici pour relancer l’économie et créer des emplois », a-t-elle affirmé. Lors de cette réunion, qui s’est tenue en présence de représentants d’institutions financières (FMI, BEI, BERD, BAD), mais aussi de l’Union pour la Méditerranée et du partenariat G8 Deauville, la Tunisie a obtenu une aide de 157 millions d’euros, destinée à dynamiser son économie et à développer son agriculture.
À moins d’un mois des élections, l’UE envoie un signal fort. Sans doute est-elle désireuse de rattraper les erreurs commises en début d’année. En février, par exemple, Afif Chelbi, alors ministre de l’Industrie, avait qualifié de « ridicules » les 17 millions d’euros qu’elle proposait.
Tempo
Jugée bureaucratique et en proie à la crise, l’UE suscite peu d’enthousiasme dans l’opinion tunisienne. Beaucoup ont été déçus qu’elle ne leur accorde pas le « statut avancé » qu’avait obtenu le Maroc en 2008. « On a vécu une accélération de l’Histoire, mais nos partenaires, eux, sont restés dans le même tempo », déplore un ancien diplomate. En juillet, l’UE a nommé l’Espagnol Bernardino León représentant spécial pour le sud de la Méditerranée. Ce diplomate de carrière, qui a une très bonne connaissance du monde arabe, est chargé de redorer le blason de l’Europe dans la région.
Mais la véritable déception vient de la France. Malgré la visite de nombreux ministres à Tunis et la promesse d’Alain Juppé de débloquer une aide de 350 millions d’euros, les Tunisiens ont du mal à pardonner à Paris son attitude au début de la révolution. Quant à l’ambassadeur, le jeune et controversé Boris Boillon, il peine à reconquérir les cœurs. « La France a pris beaucoup de retard. Avant la révolution, elle n’avait pas de relais dans la société et était mal informée. Elle n’a plus la cote », explique le consultant Cyril Ghislain Karray.
Un désamour dont pourraient profiter les États-Unis. Le 7 octobre, Barack Obama doit recevoir Béji Caïd Essebsi à Washington. Décidés à gagner du terrain, les Américains ont été les plus prompts à saluer la révolution, et Jeffrey Feltman, sous-secrétaire d’État chargé du Proche-Orient, a été le premier haut responsable occidental à se rendre à Tunis après la chute de Ben Ali. Avec WikiLeaks, les Tunisiens ont par ailleurs découvert que, sous son règne, l’administration américaine préférait diversifier ses interlocuteurs en finançant lobbies, think-thanks et blogueurs. « Pour ce qui est des promesses de dons, les Américains restent très vagues », ajoute Karray. Prudents face à une opinion souvent hostile à leur égard, ils tiennent à rassurer contre toute tentative d’ingérence. « La transition démocratique tunisienne ne sera pas “made in America”. Nous respectons une totale neutralité sur le plan politique », a assuré le parlementaire républicain David Dreier, en visite à Tunis le 27 septembre.
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