France : le Château Sarkozy en état de siège

De l’affaire Bettencourt au « Karachigate », plusieurs proches de Nicolas Sarkozy se retrouvent sur la sellette. Alors que le président avait réussi à améliorer sa cote de popularité, ces rumeurs d’argent sale tombent au plus mauvais moment.

À moins d’un sursaut, Nicolas Sarkozy sera en grande difficulté à la présidentielle de 2012. © AFP

À moins d’un sursaut, Nicolas Sarkozy sera en grande difficulté à la présidentielle de 2012. © AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 5 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Nicolas Sarkozy ne décolère pas. Au prix d’efforts méritoires, il était parvenu à « se représidentialiser », comme l’en conjuraient ses proches : pas de riposte verbale ou judiciaire quand il est bousculé par un protestataire à Brax (Lot-et-Garonne), un bébé à naître, un beau discours à l’ONU pour faire la leçon à l’Amérique sur son immobilisme en Palestine, une victoire militaire en Libye sur un dictateur de la pire espèce, un projet de budget pour la première fois en diminution depuis 1945…

Cette belle image de président moderne et efficace était censée contraster avec les errements des socialistes, plombés par les affaires de mœurs de DSK et l’inculpation de Jean-Noël Guérini, le président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône, pour association de malfaiteurs. Sans oublier les valises de millions d’euros que Robert Bourgi, conseiller officieux pour l’Afrique, confessait opportunément avoir ramenées à Dominique de Villepin et à Jean-Marie Le Pen, de Libreville ou d’Abidjan. Tous discrédités, et lui remis en selle !

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Malheureusement, c’est raté : jour après jour, les affaires d’argent « sale » se rapprochent de l’Élysée. Et elles risquent d’achever de persuader la France profonde, celle qui a fait basculer le Sénat à gauche le 25 septembre, que la droite et son futur candidat à la présidentielle ne font pas partie de cette « République irréprochable » qu’appelait de ses vœux le candidat Sarkozy en 2007.

Il y a toujours l’affaire Bettencourt qui mijote sur le fourneau judiciaire et déborde de temps à autre. Par exemple, le quotidien Libération a publié, le 28 septembre, une interview de Claire Thibout, l’ex-comptable de Mme Bettencourt, dans laquelle elle confirme avoir préparé une enveloppe de 150 000 euros remise, le 19 janvier 2007, à Éric Woerth, alors trésorier de l’UMP et de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, en violation des règles sur le financement des partis politiques. Elle dénonce aussi les pressions exercées par les policiers chargés de l’enquête pour qu’elle revienne sur ses déclarations. « Lors de mes interrogatoires, chaque page de mes procès-verbaux était immédiatement transmise dans les bureaux des supérieurs, affirme-t-elle. Les policiers revenaient avec de nouvelles questions. Je pense que des gens très haut placés étaient à la manœuvre. »

"Fadettes"

S’il fallait une autre preuve qu’ils étaient « à la manœuvre », l’inculpation prochaine du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, un ami du président de la République, pour violation des lois sur la protection de la presse en constituerait une belle. Il lui est reproché une « atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l’autorité publique » pour avoir demandé et obtenu les « fadettes » – les relevés des communications téléphoniques – de deux journalistes du Monde, afin de savoir qui les informait si bien au ministère de la Justice sur les rebondissements de l’affaire Bettencourt.

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Deux autres amis de Nicolas Sarkozy devraient être bientôt interrogés par la juge d’instruction Sylvia Zimmermann à propos de l’enquête qu’ils ont menée sur ces « fadettes » : Bernard Squarcini, le directeur central du renseignement intérieur (DCRI), et son supérieur, Frédéric Péchenard, le directeur général de la police nationale (DGPN).

Pétrin judiciaire

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D’autres proches du président se retrouvent dans un drôle de pétrin judiciaire, celui de l’« affaire Karachi ». Le 21 septembre, le juge Renaud Van Ruymbeke a mis en examen pour recel d’abus de biens sociaux Ziad Takieddine, le négociateur des ventes de sous-marins et de frégates au Pakistan en 1994, Thierry Gaubert, collaborateur de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly et au ministère du Budget, et Nicolas Bazire (en photo, ci-contre, © AFP), ex-directeur de cabinet d’Édouard Balladur. Comme l’a dit Brice Hortefeux, l’ancien ministre de l’Intérieur, la princesse Hélène de Yougoslavie, l’épouse de Gaubert, a « balancé » celui-ci aux policiers. Tout comme l’ex-Mme Takieddine, qui a plongé dans l’embarras l’homme d’affaires franco-libanais dont elle a divorcé avec fracas.

L’objectif de ces mises en examen ? Découvrir si la campagne électorale de Balladur pour la présidentielle de 1995 a été financée par l’argent sale des rétrocommissions de ces contrats d’armement. On parle de 3 millions d’euros. À l’époque, Nicolas Sarkozy était le porte-parole de Balladur et, en tant que ministre du Budget, contrôlait forcément tous ces contrats. Selon Me Olivier Morice, l’avocat des victimes de l’attentat de Karachi, « il est certain que s’il n’était pas président de la République, il serait entendu [par la justice], parce que les pistes mènent vers sa responsabilité ».

Car les rétrocommissions sur l’achat de sous-marins et de frégates livrés au Pakistan ont débouché, en 2002, à Karachi, sur un attentat-suicide. Les enquêteurs pensent que cet attentat visant des Français – onze employés de la Direction des constructions navales, qui construisait lesdits sous-marins, ont été tués – n’était pas l’œuvre d’islamistes, mais un acte de représailles contre Paris, Jacques Chirac, élu en 1995, ayant fait cesser les versements des commissions à des intermédiaires inconnus.

Combatifs

Pour mettre fin à ce qu’il qualifie de « calomnie et manipulation », l’Élysée a publié, le 22 septembre dernier, un communiqué où l’on peut lire : « À l’époque où il était ministre du Budget, le président [Sarkozy] avait manifesté son hostilité à ce contrat » d’armement.

Le 27 septembre, lors du petit-déjeuner de la majorité organisé chaque mardi, Nicolas Sarkozy s’est exprimé avec gravité. « Tout cela, c’est pour me salir, moi. Cela fait trente-cinq ans que je fais de la politique. S’il y avait le moindre fondement à ce qu’on me reproche, cela se saurait », a-t-il déclaré en invitant les siens à se montrer « combatifs ». Le président sur la défensive, c’est rare. 

Hélène de Yougoslavie, celle par qui le (dernier) scandale est arrivé.

© AFP

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