Algérie : Aïn Defla, royaume de la pomme de terre
Introduite dans la région dans les années 1970, l’exploitation du tubercule s’est développée à tel point que, aujourd’hui, les producteurs y sont trop à l’étroit. Mais la success-story n’a pas fini de s’écrire…
Agriculture africaine : enjeux et perspectives
El Hadj Douba est la mémoire vivante de Sidi Bou Adiba, petite localité agricole de la wilaya d’Aïn Defla, au centre-nord de l’Algérie. « Oui, bien sûr, j’ai assisté au développement de l’agriculture dans la région. J’ai vu comment celle-ci s’est transformée grâce à la pomme de terre. À force de travail, de pauvres fellahs sont devenus très riches », lâche-t-il entre deux ordres à une armée d’ouvriers.
Septuagénaire hyperactif, El Hadj Douba est gérant de l’Établissement Bencherka, une entreprise de stockage de pommes de terre. En ce début du mois de septembre, c’est le branle-bas de combat. « Nous devons trier la semence qui a passé l’été dans les chambres froides. Ces tubercules seront récoltés l’hiver prochain, en arrière-saison. Mais il faut faire vite, les agriculteurs attendent d’être livrés », explique-t-il.
En fait, les opérateurs d’Aïn Defla jouent un rôle pivot dans la filière algérienne de la pomme de terre. Multiplication de la semence, stockage, production… Ils ont réussi à instaurer un véritable monopole. Une success-story qui a débuté au milieu des années 1970 grâce à un groupe de pionniers.
« Ce sont des fellahs d’El-Abadia, une localité de la commune de Mekhatria, qui, les premiers, ont tenté de planter de la pomme de terre. Au début, ils n’ont fait que copier les agriculteurs de Mascara, commune longtemps considérée comme le berceau de la pomme de terre en Algérie », indique Djalali Hadj, président de la chambre d’agriculture d’Aïn Defla et lui-même producteur.
Les disciples ne tarderont pas à dépasser les maîtres. « Cette réussite est à mettre sur le compte de trois facteurs : la qualité de la terre, la disponibilité de l’eau et la maîtrise des méthodes de culture. C’est ce qui fait la richesse de la région d’Aïn Defla », souligne Djalali Hadj. Les résultats sont là : 975 fellahs cultivent chaque année 20 000 ha pour assurer 40 % de la production nationale de pommes de terre. La filière est un des principaux employeurs de la région, puisqu’elle canalise 50 % de la main-d’œuvre agricole.
Jusqu’au Sahara
Mais Aïn Defla a fini par être victime de son succès. « Depuis quelques années, les propriétaires terriens ont tendance à investir dans l’arboriculture et dans la céréaliculture, afin de profiter de subventions publiques. Cette situation a poussé les producteurs à louer des parcelles de terres dans d’autres wilayas », souligne Djalali Hadj. Les Déflaouis n’hésitent pas à aller très loin pour semer leurs patates : Bouira, Batna, Tiaret, El-Bayadh, et même dans les étendues sablonneuses d’El-Goléa.
Plus étonnant encore : ces opérateurs contribuent directement au développement de cette culture à In-Salah, au centre du Sahara algérien. Yahia M’Hamed M’Hamed, directeur de l’Agriculture de la wilaya de Tamanrasset, auparavant en poste à Aïn Defla, a réussi à l’introduire en plein désert. « Nous avons fait un premier essai en 2010, avec 600 quintaux de semences. Pour cette saison, l’engouement est tel que la commande de semence en provenance d’Aïn Defla a doublé », note le fonctionnaire.
Les Déflaouis comptent-ils s’arrêter en si bon chemin ? Non, insiste Djalali Hadj : « Nous avons la capacité d’exporter vers les marchés européens. Mais cela doit se faire dans un cadre planifié pour éviter tout risque de rejet. » Dans quelques années, les pommes de terre d’El Hadj Douba s’échangeront peut-être sur le marché de Rungis, près de Paris…
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