Chine : Baidu, maître du net
Créé il y a treize ans – tiens, comme Google ! –, le moteur de recherche chinois écrase la concurrence sur le marché local. Et rêve désormais de s’imposer à l’étranger.
Dans les bureaux ultramodernes de Baidu, à Pékin, les appareils photo sont interdits. Et les questions ne trouvent que rarement des réponses. À peine une jolie hôtesse consent-elle à expliquer que le mot baidu signifie « des centaines de fois » en mandarin et serait tiré d’un poème écrit il y a huit siècles, sous la dynastie Song. Tout un programme que le groupe sert d’ailleurs en première page de sa brochure de présentation. Bienvenue chez Baidu, le plus grand moteur de recherche de Chine et, bientôt peut-être, du monde. Dans cette ruche s’affairent quelque dix mille salariés. Dont une armée de programmeurs payés moins de 1 000 dollars (732 euros) par mois.
Baidu présente de nombreux points communs avec Google. Sa page d’accueil, par exemple, qui ressemble à s’y méprendre à celle du moteur de recherche américain, ou encore sa légendaire discrétion. Les deux firmes sont nées en 1998, l’une dans un garage de San Francisco, l’autre dans une chambre d’hôtel à Pékin. Treize ans plus tard, près de 70 % des recherches en ligne effectuées par le demi-milliard d’internautes chinois passent par baidu.com. Contre un tiers pour Google.
Li Yan Hong, alias Robin Li, son fondateur, a des allures de play-boy. Cet ingénieur, qui a fait ses études aux États-Unis, a vite compris l’intérêt de mêler les liens publicitaires à son moteur de recherche, tout en respectant scrupuleusement la réglementation du web chinois. Pas de sexe, pas de politique, mais des services de musique gratuite en ligne, des jeux, des vidéos et des blogs. Si vous tapez le nom d’une marque de lait en poudre sur baidu.com, vous tombez immédiatement sur les meilleurs annonceurs, suivis de quelques sites officiels. En revanche, aucun article sur les scandales du lait empoisonné à la mélamine !
Baidu ne badine pas avec la grande muraille électronique censée bloquer tous les sites aux contenus interdits. Et il n’hésite pas à jouer de la fibre patriotique. Son logo est un panda, l’animal préféré des Chinois, et son nouveau slogan, sans ambiguïté : « Baidu connaît mieux le chinois ! »
Un allié nommé Gates
Au douzième étage du siège, à Pékin, les employés ne rêvent plus que de détrôner Google. Depuis le départ tonitruant de celui-ci du marché chinois, Baidu s’est allié avec Microsoft pour s’attaquer au marché mondial. Bill Gates est venu en personne à Pékin concrétiser cet accord « historique » et passer quelques nuits dans le gigantesque appartement qu’il s’est offert près du stade olympique. Les requêtes en anglais envoyées sur Baidu sont désormais traitées par le moteur Bing de Microsoft. Et les portes des marchés occidentaux commencent à s’entrouvrir.
« Quand le marché chinois cessera de croître plus vite qu’ailleurs, nous regarderons vers l’étranger », confiait Li, en 2005. Le temps en est peut-être venu. Baidu vient ainsi d’ouvrir un site japonais en partenariat avec l’opérateur NTT DoCoMo et porte à présent ses regards vers l’Europe. « Nous sommes à la recherche d’informations sur ce marché », reconnaît un responsable de Baidu.
Silence prudent
Autre cible : l’Afrique. Sur ce terrain, Baidu s’est une fois encore allié avec Microsoft pour développer un système d’exploitation low cost et mobile adapté aux spécificités du marché local. Des projets sont en cours de développement, sur lesquels Baidu conserve un silence prudent. Il faut dire que, parallèlement, Baidu et Dell développent sous Android des systèmes mobiles d’exploitation à destination, cette fois, de l’Asie. Des partenariats tous azimuts avec les géants américains qui imposent peu à peu la marque chinoise sur les marchés internationaux. Baidu est d’ores et déjà la société privée la plus connue en Chine.
De quoi enrichir encore un peu plus son fondateur. Robin Li est déjà la deuxième fortune du pays avec 9,2 milliards de dollars. La valorisation de son entreprise dépasse aujourd’hui 37 milliards de dollars. Soit plus que Yahoo! et presque autant que eBay.
Un pouvoir qui commence à agacer les caciques du Parti communiste, ce qui expliquerait une série d’enquêtes diligentées récemment par les services antifraude, qui, ces temps-ci, ont tendance à accuser Baidu de tous les maux : dessous-de-table, requêtes truquées, non-respect de la propriété intellectuelle, etc. « Baidu est réellement en situation de monopole dans la recherche internet, commente Bill Bishop, un spécialiste installé à Pékin. Il est peu probable que le gouvernement voie d’un très bon œil son emprise sur le marché. Ces enquêtes sont peut-être le signe que l’entreprise doit s’attendre à un examen accru de ses activités. Et à un renforcement des réglementations. »
Il n’est en effet pas exclu que le succès de Baidu irrite certains moteurs de recherche moins flamboyants, peut-être, mais soutenus par des organes officiels comme le Quotidien du peuple ou l’agence Chine nouvelle. Belle bataille en perspective ?
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Stéphane Pambrun, à Pékin.
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