Cameroun : grands chantiers, une course contre la montre

Le pays doit rattraper son considérable retard en matière d’infrastructures. Comment finance-t-il ces travaux ? Qui sont ses partenaires ?

La route Garoua-Boulaï-Ngaoundéré, en cours de construction. © Renaud Vandermeeren pour J.A

La route Garoua-Boulaï-Ngaoundéré, en cours de construction. © Renaud Vandermeeren pour J.A

Publié le 30 septembre 2011 Lecture : 5 minutes.

Le Cameroun au banc d’essai
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Le Cameroun au banc d’essai

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Espérant accéder au statut de pays émergent d’ici à 2035, le Cameroun n’avait d’autre choix que de lancer, enfin, les grands chantiers d’infrastructures, qui lui font cruellement défaut. Divers projets ont été identifiés dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) 2010-2020 et le plan « Cameroun, vision 2035 ». Annoncés par le président Paul Biya en janvier 2010, ils sont désormais sur les rails, principalement dans les secteurs de l’énergie, des transports et des télécommunications, les plus incontournables pour relancer la croissance et stimuler les investissements.

Le financement de ces équipements sollicite largement le partenariat public-privé : contribution de l’Etat, de bailleurs de fonds, investissements directs étrangers (IDE), appel à l’épargne privée nationale sous forme d’emprunt obligataire et endettement auprès des banques.

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Sursaut énergétique

Bien que le pays soit doté d’un fort potentiel hydroélectrique, la production d’électricité est limitée et les infrastructures de transport et de distribution de l’énergie sont vétustes, saturées et mal interconnectées. Une situation qui complique le quotidien des Camerounais et explique le retard pris dans le démarrage de la politique industrielle et de diversification. L’enjeu est donc crucial.

Outre l’entretien et la réhabilitation des centrales existantes, l’objectif est de porter les capacités de production à 3 000 MW d’ici à 2020, contre 1 020 MW actuellement (lire encadré p. 83), afin de résorber le déficit en électricité (de l’ordre de 40 GWh/an) et de satisfaire les besoins supplémentaires engendrés, dans un avenir proche, par la forte croissance de la consommation des ménages et des industriels. A commencer par l’augmentation prévue de la production d’aluminium d’Alucam, une activité particulièrement gourmande en électricité, ainsi que le lancement de l’exploitation des mines de bauxite (lire pp. 86-87).

Le coût global des opérations s’élève à 5 853 milliards de F CFA (plus de 8,9 milliards d’euros) sur dix ans pour la réalisation des infrastructures de production et de transport d’électricité par grands réseaux, et à 664 milliards de F CFA pour le programme d’électrification rurale. Plusieurs projets ont été retenus, dont le barrage réservoir de Lom-Pangar, sur le fleuve Sanaga (lire p. 83), les centrales hydroélectriques de Memve’ele, Nachtigal et Mekin, ainsi que la centrale thermique à gaz de Mpolongwé, près de Kribi.

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Parmi ces projets, le plus avancé est celui de la minicentrale hydroélectrique de Mekin (12 MW), sur le fleuve Dja, dont les travaux, en cours, ont été confiés à china National Electric Equipement Corporation. Conformément à l’accord signé en janvier 2010 avec le gouvernement camerounais, le projet -piloté par l’entreprise publique Mekin Hydroelectric Development Corporation (Hydro Mekin) – sera financé à hauteur de 85 % par un prêt de 22 milliards de F CFA accordé par China Exim Bank. Le même établissement assurera, par un prêt de 243 milliards de F CFA, le financement de la centrale hydroélectrique de Memve’ele, sur le fleuve Ntem, dont la capacité de production sera de plus de 200 MW. Le chantier du barrage de Lom-Pangar, confié à China International Water & Electric Corporation, débutera en novembre prochain pour être livré en janvier 2015 au plus tard.

Quant à la centrale thermique à gaz de Mpolongwé, dont le maître d’oeuvre est Kribi Power Development Company (filiale à 56 % de l’électricien AES-Sonel), elle devrait être mise en service en septembre 2012. Son coût total est estimé à plus de 176 milliards de F CFA. D’une capacité de 216 MW, elle sera alimentée par du gaz livré par le franco-britannique Perenco, attributaire du champ gazier offshore Sanaga Sud. L’énergie produite sera vendue à AES-Sonel, qui en assurera la distribution à travers le réseau camerounais. Le réseau de transport d’énergie bénéficiera quant à lui d’un investissement de 103 milliards de F CFA, destinés à renforcer et à réhabiliter les ouvrages existants.

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Coupé en deux

Sur le chapitre des transports, faute d’un réseau routier permettant de relier facilement son Nord et son Sud, le Cameroun est de fait coupé en deux. Une carence que le chemin de fer (lire p. 76) ne compense pas, puisqu’il s’arrête à Ngaoundéré (dans l’Adamaoua). Le pays est par ailleurs mal connecté à ses voisins, à l’exception du Gabon et de la Guinée équatoriale. En matière de transport routier, l’accent est mis, d’une part, sur le désenclavement des villes secondaires de l’aire métropolitaine de Douala et de Yaoundé, oçù est concentrée une grande partie de la population et des activités, et, d’autre part, sur l’amélioration de la voirie des grandes villes.

Trois projets devraient contribuer à atteindre ces objectifs : la construction d’un second pont sur le fleuve Wouri à Douala (un chantier de 119 milliards de F CFA, financé à hauteur de 87 milliards par la coopération française), l’élargissement des voiries des entrées est et ouest de Douala (167 milliards de F CFA) et la réalisation de l’autoroute Yaoundé-Douala (entre 300 et 400 milliards de F CFA), première étape de la boucle autoroutière Douala-Yaoundé-Bafoussam-Douala.

Enfin, dans le domaine maritime, les capacités et résultats du port de Douala, en tant que centre de transbordement pour la sous-région, restent en deça des normes mondiales en la matière, et ses capacités d’accueil sont limitées par son faible tirant d’eau. De quoi porter un coup à la vocation de transit d pays. Le projet majeur dans ce secteur est la construction d’un port en eau profonde à Kribi (lire pp. 84-85), qui fera fonction de port minéralier et de plateforme de transbordement pour la sous-région. D’un coût de 282 milliards de F CFA, il est réalisé par China Harbour Engineering Company et financé à hauteur de 207 milliards de F CFA par China Exim Bank. Le gouvernement camerounais interviendra par le biais d’un emprunt obligataire.

Pouvant accueillir des bâtiments de 15 m à 16 m de tirant d’eau et d’une capacité de 100 000 tonnes, le port de Kribi comprendra un terminal à conteneurs d’une capacité annuelle de 400 000 EVP (« équivalent vingt pieds », une unité de mesure qui représente environ 30m3), un terminal aluminium dont la construction est confiée à Rio Tinto Alcan, un terminal hydrocarbures (3 millions de tonnes) financé par l’armateur Camship et la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP). La construction d’un terminal polyvalent (entre 2 et 3 millions de tonnes) est également prévue. A ces activités s’ajoutera un trafic de transbordement (20 000 EVP). Les premiers navires pourraient accoster dès 2014. 

Haut débit

Enfin, dans le secteur des télécommunications (lire aussi p. 96), deux projets, en cours, visent à doter le pays d’infrastructures de connexion à haut débit. D’une part, la poursuite du déploiement du réseau de fibre optique : long de quelque 2 000 km actuellement, il dépassera, à terme, 5 000 km. Financée à hauteur de 26 milliards de F CFA par la Chine et de 12 milliards de F CFA par l’Etat camerounais, cette première initiative s’intègre au projet Central Africa Backbone (CAB), qui doit permettre à l’ensemble des pays de la sous-région de se connecter au câble sous-marin à fibre optique SAT-3.

Par ailleurs, le National Broadband Network (NBN, réseau national haut débit), d’un coût estimé à 41 milliards de F CFA, comprend plusieurs volets, dont la diversification des réseaux de fibre optique, le développement de l’internet mobile à large bande et l’introduction du réseau mobile de nouvelle génération. il prévoit aussi un deuxième point d’atterrissage du câble sous-marin SAT-3.

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