A Berlin, les jeunes Israéliens retrouvent l’insouciance

Il y a soixante-dix ans, leurs grands-parents ont fui les atrocités nazies. Attirés par la réputation branchée de la ville, de nombreux jeunes Israéliens, artistes et étudiants surtout, choisissent aujourd’hui de s’y installer.

Près de 10 000 Israéliens vivent à Berlin. © Reuters/Thomas Peter

Près de 10 000 Israéliens vivent à Berlin. © Reuters/Thomas Peter

Publié le 23 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans un café tranquille, une vingtaine de personnes se retrouvent tous les premiers lundis du mois, vers 20 heures. Les conversations en hébreu vont bon train. Au menu : houmous, pitas et falafels. Tel-Aviv ? Non, Berlin. Plus précisément, le paisible quartier de Schöneberg. C’est surprenant, mais c’est ainsi : depuis quelques années, de nombreux jeunes Israéliens choisissent de s’installer dans la capitale allemande.

L’effet "WM"

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Ils y viennent pour les mêmes raisons que tous les jeunes du monde entier. C’est ce qu’on appelle ici « l’effet WM », l’effet Coupe du monde de football 2006, qui a fait découvrir le nouveau visage, résolument cool et branché, de la ville. Parmi eux, beaucoup d’artistes, de peintres, de musiciens ou de comédiens, souvent décalés ou underground, et beaucoup d’étudiants : les universités sont réputées, la vie et les loyers pas trop chers. Pour tous ces Israéliens, Berlin, c’est aussi une parenthèse de tranquillité, à des années-lumière du climat de tension permanente qu’ils connaissent à Tel-Aviv ou à Jérusalem. Le conflit du Proche-Orient est loin. Ils peuvent même avoir des amis arabes !

Combien sont-ils ? Difficile à dire, les Israéliens n’étant pas tenus de se faire enregistrer à leur consulat. D’ailleurs, beaucoup possèdent déjà un passeport européen, voire allemand, grâce à une loi qui autorise les descendants de la Shoah et de ceux qui ont été déchus de leur nationalité allemande pendant la Seconde Guerre mondiale à la recouvrer. « Sans doute sont-ils entre 10 000 et 15 000 », contre 3 000 il y a cinq ou six ans, estime Ilan Weiss, qui a adopté Berlin il y a une vingtaine d’années et s’occupe d’une newsletter destinée à ses compatriotes israéliens, mais aussi d’un stammtisch, où l’on se retrouve pour parler et manger.

« Il y a quelques années, quand je disais en Israël que j’habitais Berlin, les gens me répondaient, choqués : « Mais qu’est-ce que tu es partie faire là-bas ? » explique Nirit Bialer. Ils ont aujourd’hui une réaction beaucoup plus positive. » Mais Berlin n’est pas l’Allemagne, Germania en hébreu, qui, elle, conserve une connotation très négative.

Une vie à des années-lumière du climat de tension permanente qui règne à Jérusalem.

Reste que, dans l’ex-capitale du Reich, il est bien difficile d’oublier l’Holocauste. Surtout pour les descendants de Juifs allemands contraints de fuir leur pays dès les années 1930 pour échapper aux exactions et aux pogroms. Ou ceux de rescapés des camps de concentration. À Berlin, cette Histoire est partout. À tous les coins de rue, des mémoriaux évoquent le souvenir des victimes, des panneaux signalent les bâtiments liés à cette période sombre. Il y a aussi les stolpersteine, ces petits pavés dorés incrustés dans le trottoir qui indiquent le nom, l’âge et la destination finale de tel ou tel déporté.

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Ni oubli ni pardon

Outre les stammtisch, il existe à Berlin de nombreux sites internet, avec petites annonces et forums de discussion, une radio qui diffuse des programmes en allemand et en hébreu, mais aussi des soirées dites meschugge (« dingues », en yiddish), rendez­-vous des homosexuels. Mais d’autres manifestations, surtout à destination des plus jeunes, ont un caractère moins exclusivement communautaire : on y parle aussi allemand ou anglais. C’est le cas de Habait (« chez soi »), cofondé au mois de juin par Nirit Bialer. Au programme : concerts, lectures et pièces de théâtre.

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Les jeunes Israéliens n’oublient ni ne pardonnent, mais ils estiment le moment venu de tourner la page, d’engager avec les Allemands une cohabitation apaisée. « Leur rapport à l’Histoire est moins émotionnel que celui de leurs parents ou de leurs grands-parents, pour qui il aurait été impossible de revenir en ces lieux », explique-t-on à l’ambassade.

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