Turquie – Israël : Erdogan voit rouge
Face au refus persistant de l’État hébreu de s’excuser pour la mort de neuf ressortissants turcs dans l’assaut du Mavi Marmara, Ankara a suspendu ses liens commerciaux et militaires avec Tel-Aviv. Jusqu’où ira la brouille entre les deux pays ?
D’allié stratégique à pire ennemi, il n’y a qu’un pas au Moyen-Orient. Et celui-ci a été franchi par la Turquie. Le 6 septembre, Ankara a annoncé la suspension totale de ses liens commerciaux et militaires avec l’État hébreu. Au même moment, l’ensemble du personnel diplomatique israélien était sommé de quitter le pays, quelques jours seulement après le renvoi de l’ambassadeur, Gab Levy. Après avoir adressé un ultimatum au gouvernement de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, est donc rapidement passé aux actes, excédé par l’attitude d’Israël, qu’il accuse de se comporter comme un « enfant gâté ». En cause : le refus persistant de Tel-Aviv de s’excuser pour la mort de neuf ressortissants turcs, le 31 mai 2010, dans l’assaut du ferry Mavi Marmara, qui faisait route vers Gaza. « À partir d’aujourd’hui, Israël perd un allié régional », a déclaré Erdogan le 6 septembre.
Sanctions
Sa décision risque de porter un coup fatal aux relations économiques entre les deux pays, qui, en dépit des tensions politiques, sont restés des partenaires de premier rang. Après avoir atteint 3,1 milliards de dollars l’an passé, leurs échanges commerciaux ont enregistré un bond de 23 % depuis janvier. Soucieux de préserver leurs intérêts, les Turcs ont précisé que les sanctions visant l’État hébreu ne s’appliqueraient pour l’instant qu’aux industries de défense. Cette nuance vient contredire les allégations du général Amos Gilad. « Il n’y a pas de rupture avec la Turquie, a assuré l’ancien négociateur israélien. La preuve en est que notre attaché militaire à Ankara continue de travailler. » Selon le ministère turc de la Défense, Israël et la Turquie seraient officiellement liés par seize accords militaires, incluant des entraînements conjoints, qui furent gelés après l’offensive israélienne à Gaza il y a deux ans et demi.
En réalité, la coopération israélo-turque bat de l’aile depuis 2002, date de l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP), considéré comme islamo-conservateur. Dès lors, les Israéliens affichent une certaine réticence à livrer des armements sophistiqués à Ankara. Leur sentiment s’est logiquement accru après la purge de l’armée turque en août dernier, garante du dogme kémaliste de laïcité et d’une politique plus conciliante à l’égard de Tel-Aviv. Pour les observateurs, l’attitude d’Erdogan résulte d’une décision stratégique de positionner son pays comme le nouveau pilier de la région. De ce point de vue, la crise avec l’État hébreu apparaissait inévitable : « Les Turcs cherchaient depuis longtemps un bon prétexte pour se débarrasser de nous », admet en coulisses un haut responsable israélien.
Bras de fer
Ces derniers mois, les tensions entre Tel-Aviv et Ankara se sont cristallisées autour du rapport Palmer, chargé de faire la lumière sur l’assaut contre la flottille. Or les conclusions de cette enquête onusienne – publiées dans le New York Times –, qui auraient dû permettre de réconcilier Israéliens et Turcs, n’ont fait qu’accentuer un peu plus leur brouille. Car si l’action des commandos de Tsahal a été jugée « excessive », ces derniers ont été confrontés à une « résistance violente » des militants turcs. Quant au blocus de Gaza, il serait « approprié » au regard du droit international.
Furieuse, la Turquie a décidé de porter l’affaire devant la Cour internationale de justice. Loin de chercher l’apaisement, le Premier ministre turc – qui a pâr ailleurs signé une alliance militaire avec l’Égypte au Caire le 12 septembre – vient d’ordonner le déploiement de sa marine de guerre au large de Chypre et des côtes israéliennes. L’opération a été baptisée Barberousse…
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