Afrique du Sud : Julius Malema malmené
À force de coups d’éclat et de provocations, le leader de la Ligue de la jeunesse de l’ANC risque l’exclusion du parti au pouvoir.
Dans le long périple qui les a menés à la démocratie, les Sud-Africains n’ont pas cessé de passer de l’euphorie à la dépression. De la tenue des premières élections multipartites à l’organisation de la Coupe du monde de football, en 2010, l’Histoire a plusieurs fois donné tort aux pessimistes. Mais, entre chômage et tensions raciales, les nuages s’accumulent dans le ciel sud-africain. Et plus que quiconque, Julius Malema, jeune trentenaire joufflu à la tête de la Ligue de la jeunesse de l’African National Congress (Ancyl) depuis 2008, a su tirer parti du mécontentement.
Issu, comme une grande majorité de Sud-Africains, d’un milieu modeste (il a grandi dans un environnement rural pauvre, élevé par une mère célibataire, employée de maison), il est, pour ses admirateurs, la voix des sans-voix. Les autres, y compris dans les rangs de l’ANC, voient plutôt en lui un dangereux populiste.
Indiscipline
L’avenir de Julius Malema, réélu en juin, est aujourd’hui plus incertain que jamais. Il fait l’objet d’une enquête de police concernant des accusations de fraude et de corruption, et est sous le coup d’une procédure disciplinaire au sein même de l’ANC, dont il pourrait être exclu. Malema est notamment accusé de jeter le discrédit sur le parti et d’y semer la zizanie depuis qu’il a appelé à un changement de régime au Botswana voisin. Des propos qui n’étonnent pas venant d’un homme dont le parcours est ponctué de blâmes hiérarchiques et d’accusations d’incitation à la haine raciale. Parmi les écarts les plus célèbres de Malema : un discours élogieux tenu sur Robert Mugabe et des appels à imiter les attaques de fermes qui ont eu lieu au Zimbabwe.
Certes, l’homme a mis en lumière la lenteur des réformes agraires. En appelant à l’expropriation des fermiers blancs et à la nationalisation des banques et des mines, il a conquis le cœur des plus pauvres d’Afrique du Sud. Mais ses propos alarment la communauté économique et font fuir les investisseurs. Il s’est aussi attiré les foudres d’une partie de l’ANC en remettant en question l’efficacité de la politique de Black Economic Empowerment (BEE), à l’heure où beaucoup de membres du parti au pouvoir pensent que les leviers de l’économie restent entre les mains de la minorité blanche du pays.
L’ANC en crise
Les exaltés de la trempe d’un Julius Malema révèlent cependant l’existence d’une crise interne à l’ANC. Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud et patron de l’ANC (il avait été soutenu par Malema en 2007 lors des élections internes au parti), a reconnu devoir faire face à de nombreuses dissensions internes – l’ANC, mouvement de lutte contre l’apartheid, a parfois eu du mal à devenir une formation politique classique. Les modérés du parti ont reconnu ces divisions mais n’ont pas été en mesure d’y apporter une solution, laissant le champ libre aux partisans d’une ligne dure tels que Julius Malema.
Mais en pensant qu’il était suffisamment puissant pour s’opposer à Zuma, le chef de la Ligue de la jeunesse est peut-être allé trop loin. « Juju », comme le surnomment ses alliés, pourrait être amené à quitter la scène politique. Sauf que le contexte politique, économique et social en Afrique du Sud est un terreau fertile pour les démagogues, et qu’il n’est pas près d’évoluer.
© Financial Times
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