États-Unis : une vitrine au rabais
Une mosquée finira-t-elle par voir le jour près de Ground Zero, à New York ? Dix ans après les attentats du 11 Septembre aux États-Unis, le projet, pourtant revu à la baisse, ne fait toujours pas l’unanimité.
Les fidèles viennent du sous-continent indien, d’Afrique ou du Moyen-Orient. L’un d’eux porte un gilet fluorescent avec, dans le dos, la mention « NYPD ». Pour New York Police Department. Dans un hangar éclairé par des néons et sous le regard des passants – la salle de prière est visible de la rue –, ils s’apprêtent à rompre le jeûne du ramadan. Bienvenue sur le site de la future mosquée de New York, à deux pas de Ground Zero.
« Provocation inacceptable… » « Insulte à la mémoire des victimes du 11 Septembre… » Début 2010, l’acquisition par Sharif el-Gamal (37 ans), un promoteur d’origine égyptienne, de cette ancienne fabrique de manteaux située 51 Park Place, dans le sud de Manhattan, en vue de l’aménagement d’une mosquée de quinze étages avait suscité un tollé. En dépit de l’hostilité de l’opinion, Barack Obama et Michael Bloomberg, le maire de New York, étaient, avec d’autres, montés au créneau pour défendre la liberté de culte. À quelques jours du dixième anniversaire des attentats du 11 Septembre, la tension est un peu retombée.
Il est vrai que Gamal n’a pas ménagé ses efforts pour rassurer les Américains. Reconnaissant que, jusqu’ici, tout avait été fait « à l’envers », il a, début août, annoncé que le projet Cordoba House allait être débaptisé (il se nomme désormais « Park 51 »). Et que la mosquée ne compterait finalement que quatre ou cinq étages. La tante d’une victime des attentats a en outre été recrutée comme conseillère, tandis que les riverains et les leaders d’autres religions étaient activement consultés. Surtout, Gamal s’est résolu à se séparer – pour « divergences philosophiques majeures » – de l’initiateur de l’opération, l’imam Abdul Rauf, à qui la presse reproche notamment son refus de reconnaître le Hamas palestinien comme une organisation terroriste…
Dans cinq ans
Ouvert à tous, le projet Park 51, qui s’inspire des centres culturels juifs, comprendra une galerie, une piscine, un centre interconfessionnel, et donc, accessoirement, une mosquée. Sa vocation a déjà été définie : rapprocher l’islam des Américains. Mais il ne sera pas mené à bien avant cinq ans. Son coût ? Dix millions de dollars, au bas mot. L’origine des fonds ne devra pas être en contradiction avec « les valeurs américaines ». « À deux pas de l’endroit où notre foi a été profanée, nous avons l’occasion de montrer au monde ce que nous sommes et ce en quoi nous croyons », commente Sharif el-Gamal.
La conjoncture américaine n’est guère favorable aux musulmans, objets de toutes les suspicions. De nombreuses personnalités ont appelé à manifester le 11 septembre prochain devant le futur centre. Parmi elles, Pamela Geller, une pasionaria anti-islam dont se réclame ouvertement Anders Behring Breivik, l’auteur de la récente tuerie en Norvège. À la Chambre des représentants, une commission a été mise en place à l’initiative de Peter King, un républicain de New York, pour enquêter sur le danger représenté par la radicalisation supposée des musulmans américains. Comme si, au pays de Jared Loughner, le forcené qui, en janvier, tua froidement six personnes en Arizona, ces derniers avaient le monopole de l’extrémisme !
Loyauté
Un récent sondage témoigne pourtant que l’écrasante majorité des musulmans se montre loyale à l’égard des États-Unis. Et optimiste quant à son avenir dans ce pays. Neuf sur dix affirment être opposés à Al-Qaïda. Si la moitié d’entre eux estiment avoir subi des discriminations (20 % des juifs et des catholiques et un tiers des mormons sont dans le même cas), deux tiers affirment s’identifier aussi fortement à leur religion qu’à leur pays.
Les commémorations du 11 Septembre seront l’occasion d’un grand débat sur la place de l’islam. Gamal n’a pas encore décidé quel type d’événement aura lieu à cette occasion à Park 51. Il fera ce qui lui paraîtra « le plus approprié et le plus respectueux ». Nul doute que sa démarche sera scrutée à la loupe.
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Jean-Eric Boulin, à New-York.
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