Japon : un poisson nommé Noda
Les biographies d’hommes politiques abondent en références animalières. Mais se comparer à une loche, il fallait oser. Le nouveau Premier ministre japonais l’a fait !
« Je ressemble à une loche [un poisson proche de l’anguille, NDLR], avait estimé Yoshihiko Noda pendant sa campagne pour la présidence du Parti démocrate du Japon (PDJ). Je vais puer la boue à plein nez, suer sang et eau pour améliorer le sort de mes concitoyens. » Le propos prête à sourire ? Oui, mais il a plutôt porté chance à son auteur : le 30 août, Yoshihiko Noda (54 ans) a été nommé Premier ministre par le Parlement.
Une victoire surprise pour cet homme politique peu connu du grand public. Il lui a fallu deux tours pour s’imposer à la tête du PDJ, face à quatre concurrents. Il avait contre lui les caciques du parti, mais il a bénéficié à plein de la bourrasque antiestablishment qui balaie actuellement l’archipel.
Contrairement à nombre de ses pairs, Noda, qui est d’origine modeste (son père était militaire), n’appartient pas à l’une de ces dynasties qui dominent depuis des lustres la vie politique locale. Il est néanmoins diplômé du célèbre institut Matsushita, créé par Konosuke Matsushita, le fondateur de Panasonic, dans le but de former les futurs dirigeants.
Factions
D’abord élu local du Nouveau Parti du Japon, aujourd’hui disparu, il a rejoint le PDJ en 2000. Neuf ans plus tard, lors des législatives, ce dernier est parvenu à écarter du pouvoir le Parti libéral-démocrate (PLD), qui le monopolisait depuis un demi-siècle. L’alternance avait suscité beaucoup d’espoir. On voulait croire que la vie politique allait enfin s’émanciper de la toute-puissance de la bureaucratie et des lobbies. Hélas, minés par le jeu des factions, les démocrates n’ont pas su proposer un leadership stable et cohérent. Pas plus que le PLD, d’ailleurs. Depuis 2005, aucun gouvernement n’est resté aux affaires plus d’un an et demi.
Dans ce contexte, l’élection de Yoshihiko Noda, qui n’appartient à aucune faction, semble être le choix de la dernière chance pour le PDJ, qui doit impérativement surmonter ses divisions s’il veut regagner les bonnes grâces de son électorat.
Naoto Kan, le prédécesseur de Noda, n’avait réussi ni à galvaniser ses compatriotes après la catastrophe de Fukushima, en mars, ni à redresser les comptes de la nation. Au bout de quinze mois, sa cote de popularité était tombée à moins de 16 %. D’aucuns prédisent le même sort au nouveau Premier ministre, qui, n’étant pas issu du sérail, ne maîtrise pas forcément très bien l’art du compromis. Or il va lui falloir composer avec un Parlement dont la Chambre haute est contrôlée par l’opposition…
Noda hérite d’un pays traumatisé par le séisme et le tsunami du 11 mars, suivis de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi. À cela s’ajoutent la crise de la dette, qui représente le double du PIB, l’explosion des dépenses sociales provoquée par le vieillissement de la population et l’enchérissement du yen. Sous l’effet conjugué de ces facteurs, le Japon est entré en récession, ce qui a entraîné l’abaissement de sa note de crédit par l’agence de notation Moody’s.
Les défis sont donc immenses. Pour y faire face, Noda souhaite constituer une coalition avec l’opposition de droite. Son profil nettement conservateur pourrait favoriser les rapprochements. Partisan de la rigueur fiscale, il séduit aussi les milieux économiques, auxquels il a donné des gages lorsqu’il était ministre des Finances. Sa volonté affichée de ne pas laisser filer le déficit budgétaire, de réduire la dette et de respecter l’indépendance de la Banque centrale rassure. « La loche n’est pas dépourvue de qualités, même si elle ne nage pas comme un poisson rouge », a-t-il prévenu lors de sa prise de fonctions.
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