Congo : Ordre militaire

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 2 septembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Un défilé sert-il à quelque chose ? Certainement. Sinon, des milliers de personnes ne se rassembleraient pas, sans la moindre contrainte, pour voir marcher des milliers d’autres, des heures durant. Eva Joly, la candidate écologiste à la présidentielle française de 2012, en sait quelque chose. Pour avoir proposé, il y a plus d’un mois de cela, la suppression du défilé militaire organisé chaque 14 juillet, elle a provoqué l’ire de toute la classe politique. Certains n’ont pas hésité à évoquer sournoisement ses origines étrangères pour expliquer ce qui, à leurs yeux, était pure hystérie. Sans aucun doute, voir défiler les « forces vives de la nation » est l’une des choses les plus partagées au monde. Il faut donc admettre que le défilé est vraiment utile.

Le 15 août, je me suis retrouvé à Ewo (on dit Evo, même s’il semble bizarre que dans nos langues le « w » soit prononcé « v » comme en allemand). Cette petite agglomération est le chef-lieu du département de la Cuvette-Ouest, à plus de 700 bornes au nord de Brazzaville. Le 15 août, pour ceux qui ne le savent pas, est le jour de la fête nationale du Congo-Brazzaville. Me voici sur un boulevard fraîchement asphalté. Une foule importante s’est invitée à la fête. Y compris ce petit chien maigrichon qui, une fois que les canons se sont mis à tonner, perd son self-control. Pris de panique, il quitte la foule où il avait trouvé sa place, traverse le boulevard comme s’il était pourchassé, en direction de la tribune d’honneur. Alors que tout le monde, amusé, s’attend au pire, le petit animal se réfugie sous la tribune, ne sachant pas comment se boucher les oreilles. Heureusement pour lui, la garde n’a pas eu le temps de dégainer !

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Pour ma part, mon badge presse autour du cou, avec mon nom mal orthographié par un analphabète, je me fonds dans la foule, juste à l’endroit d’où partent les « défilants ». J’observe, l’oreille aux aguets. Une dame : « Pourquoi n’y a-t-il pas beaucoup de présidents ? Cela fait toujours du bien de recevoir beaucoup d’invités. » Il est vrai que le Camerounais Paul Biya, le Congolais Joseph Kabila, le Gabonais Ali Bongo Ondimba manquent à l’appel.

Si le défilé militaire est impeccable, celui des civils est désordonné. Ils sont habillés de façon hétéroclite et tiennent dans leurs mains divers objets, allant de la bouteille d’eau à la cannette de bière, que les militaires viennent leur arracher. Spectacle classique : les sapeurs, avec leurs tenues inattendues. L’un d’eux porte un abacost, une toque de léopard et tient une canne comme… Mobutu Sese Seko. L’assistance jubile. Quant aux membres de la communauté camerounaise d’Ewo, ils portent tous le maillot de l’équipe nationale de football. Pas n’importe lequel : le numéro 9, c’est-à-dire celui de Samuel Eto’o !

Le défilé tire en longueur. Dans le ciel d’Ewo, un pilote de chasse réalise des figures acrobatiques osées. Quelqu’un crie dans la foule : « C’est un héros ! » Une femme s’indigne : « Toutes ces pancartes n’ont qu’un objectif : pousser le président à dépenser de l’argent. Quand verrons-nous une pancarte sur laquelle on lui demande de nous donner du travail ? »

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