Affaire Strauss-Kahn : l’histoire sans fin

Le procureur de Manhattan abandonne les poursuites au pénal pour viol présumé. L’ancien patron du FMI est libre. Mais pas innocenté. Il reste sous le coup d’une procédure civile aux États-Unis et sous la menace d’autres plaintes dans le monde.

DSK, son épouse et ses deux avocats (cravate rouge), le 23 août, à la sortie du tribunal. © Craig Ruttle/AP/Sipa

DSK, son épouse et ses deux avocats (cravate rouge), le 23 août, à la sortie du tribunal. © Craig Ruttle/AP/Sipa

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 30 août 2011 Lecture : 4 minutes.

« Les preuves physiques, scientifiques et autres indices établissent que l’accusé a eu une relation sexuelle précipitée avec la plaignante, mais ne permettent pas d’établir de manière indiscutable que leur rapport a été contraint ou non consenti. » Cet extrait de l’argumentaire du procureur de Manhattan Cyrus Vance a mis un terme, le 23 août, à trois mois et neuf jours de procédure pénale hypermédiatisée. Elle concernait le viol supposé, le 14 mai, dans la suite 2806 du Sofitel de New York par Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et favori de l’élection présidentielle française de 2012, sur la personne de Nafissatou Diallo, jeune femme de chambre guinéenne de l’hôtel. Le gâchis et l’amertume sont immenses et partagés par les deux protagonistes.

En apprenant que la justice américaine renonçait à le poursuivre, DSK a éprouvé un énorme soulagement : fini la menace d’une peine de soixante-quatorze ans de prison ; la France de nouveau accessible, son passeport lui ayant été rendu… D’un autre côté, il a dû démissionner le 18 mai de son poste au FMI, où il excellait, et ne peut plus être candidat à la présidentielle. Il a exprimé son ressentiment dans sa première déclaration en public : « C’est la fin d’une épreuve terrible et injuste (…). J’ai hâte de rentrer dans mon pays, mais j’ai encore quelques petites choses à faire avant de pouvoir partir et je m’exprimerai plus longuement quand je serai de retour en France. »

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La désillusion de Nafissatou Diallo était encore plus forte. « Les preuves sont claires, ont hurlé des manifestantes indignées à la sortie du tribunal. DSK traite les femmes comme sa propriété… Cochon ! Nafissatou, on te croit ! » L’avocat de la plaignante, Kenneth Thompson, n’a pas hésité à parler de « déni de justice », le procureur Vance ayant « abandonné une femme innocente à laquelle il a refusé le droit à la justice dans une affaire de viol ».

Vance met les pouces

Cyrus Vance n’avait guère le choix. L’enquête lui a fait peu à peu prendre conscience que la victime n’était pas crédible. Elle a donné trois versions des instants qui ont suivi son agression, celle-ci ayant duré entre sept et neuf minutes. Pourquoi a-t-elle dit s’être rendue dans une autre chambre ? Pourquoi est-elle revenue dans la suite 2806, où elle dit avoir été agressée ?

Plus grave, elle a menti en évoquant un viol collectif dont elle aurait été la victime en Guinée. Pour obtenir l’asile aux États-Unis, elle avait répété avec un ami cette fable, puis avait omis de la jouer devant la commission chargée d’examiner sa demande. Elle l’a interprétée avec une rare émotion et « des détails précis et poignants » le 30 mai devant l’équipe du procureur, pour finalement reconnaître le 8 juin que tout était inventé. Ajoutés à la somme non justifiée de 60 000 dollars (près de 42 000 euros) sur son compte bancaire et une conversation téléphonique avec son ami en prison pour trafic de drogue, ces zigzags ont achevé de persuader Vance que, malgré sa conviction d’un rapport sexuel non consenti, il ne pourrait pas la faire partager à l’unanimité obligatoire des douze jurés de la cour pénale.

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Faute de témoin, faute de traces de sang et de traumatisme particulier sur le corps de la plaignante, tout dépendrait de la crédibilité de cette dernière, crédibilité qui « ne peut résister au plus basique examen ». En conséquence, conclut-il, « si nous ne pouvons pas la croire (…), nous ne pouvons pas demander à un jury de le faire ». Et le juge Obus d’entériner, donc, l’abandon de la procédure.

L’accusation persiste

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Cette fin en queue de poisson n’innocente pas DSK et ne clôt pas le dossier. Pressentant l’échec de la procédure pénale, le 8 août, Me Thompson a déposé une plainte au civil pour « agression violente et sadique » devant le tribunal du Bronx. Il ne s’agira plus de convaincre la totalité du jury, mais une majorité simple. Dans le Bronx, où elle réside, les jurés seront de milieu modeste et pour la plupart africains-américains, donc a priori favorables à Nafissatou Diallo.

Pour renforcer sa position, l’avocat a, dit-il, trouvé « de nombreuses femmes à travers le monde » qui se disent victimes de DSK. La seule connue est l’écrivaine Tristane Banon, qui a déposé plainte à Paris contre DSK, le 5 juillet, pour tentative de viol en 2003. Celui-ci a riposté par une plainte pour dénonciation calomnieuse. Les enquêteurs ont entendu plusieurs personnalités auxquelles la plaignante dit s’être confiée à l’époque, dont François Hollande. Le parquet de Pontoise a par ailleurs ouvert une enquête préliminaire à la suite de la plainte contre X déposée le 23 août par l’avocat français de Nafissatou Diallo pour tentative de subornation de témoin visant un adjoint au maire de Sarcelles (dont l’ex-patron du FMI fut l’édile). Lequel aurait fait pression sur une femme qui affirme avoir eu une liaison avec DSK pour la dissuader de témoigner.

Retour en France

Dominique Strauss-Kahn souhaite maintenant rentrer en France au plus vite et pourrait s’adresser à ses compatriotes. Puis viendra le temps du silence et de la reconstruction personnelle – ce qui exclut qu’il participe à la primaire du Parti socialiste, bien que certains de ses amis l’en prient.

On a beaucoup parlé d’une possible transaction financière avec Nafissatou Diallo. Traditionnel aux États-Unis, où tout s’achève en dollars, cet arrangement éteindrait automatiquement la procédure civile devant le tribunal du Bronx. À ce sujet, Benjamin Brafman, l’un des deux avocats de DSK, s’est fait le porte-parole de son client en déclarant dans le quotidien Le Parisien du 24 août : « Il faut qu’une chose soit claire pour tous les Français : DSK n’a aucune intention et n’a jamais eu aucune intention de lui donner de l’argent. Elle n’a pas subi de préjudice. Il est innocent. » C’est bien l’échec et mat judiciaire pur et simple de la partie adverse que tente DSK pour établir son innocence aux yeux du monde. 

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