Maroc : Mohamed Berdouzi, bâtisseur de l’ombre
Décédé le 11 août, l’universitaire marocain Mohamed Berdouzi était l’un des principaux artisans des réformes de la dernière décennie. En toute discrétion. Un hommage signé Driss el Yazami, président du Conseil national des droits de l’homme.
Moins d’un mois avant son décès à Rabat, le jeudi 11 août, Mohamed Berdouzi était encore sur la brèche. Membre de la commission consultative de révision de la Constitution (CCRC) du Maroc, cet universitaire – il était docteur en droit et en sciences politiques – ne ratait presque jamais une séance malgré la maladie. Ses collègues de la commission Mennouni savent tout ce que le texte fondamental marocain, adopté par référendum le 1er juillet, lui doit. Tout comme ses ami(e)s de la commission Azziman, chargée auparavant de réfléchir sur la régionalisation avancée.
Emprisonné au début des années 1970 – il était l’un des fondateurs de l’extrême gauche –, il rompt très vite avec le dogmatisme de cette première école politique sans renoncer pour autant à son idéal démocratique. C’est ainsi qu’il poursuit le combat pour le respect des droits humains au sein du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), puis comme membre de l’Instance Équité et Réconciliation (IER). Il y tient un rôle essentiel, notamment dans l’élaboration des recommandations de réformes institutionnelles garantissant la non-répétition des violations, recommandations reprises quasi intégralement dans la nouvelle Constitution. En même temps, il occupe une place centrale dans la rédaction du rapport sur le cinquantenaire, piloté par le conseiller royal feu Meziane Belfkih et qui dresse un bilan sans concession de cinquante ans d’indépendance. Cinq ans après, il reste d’une brûlante actualité.
L’autre passion – on pourrait dire hantise – du défunt était la réforme de l’enseignement. Il fut à ce titre l’un des principaux contributeurs à la rédaction de la Charte nationale d’éducation et de formation, et siégea au Conseil supérieur de l’enseignement. Deux de ses ouvrages publiés en arabe et en français en 2000 témoignent de cette obsession pour la réforme du secteur de l’éducation, inséparable à ses yeux de l’idéal de justice sociale et de la quête du développement.
Un maître
Feu Berdouzi fut ainsi l’un des principaux artisans de l’ombre des grands chantiers de réforme de la dernière décennie. Cette contribution était assurée avec efficacité et discrétion, grâce à une capacité de travail rare et un appétit pour le savoir dont témoignent ses divers travaux. Traducteur de Piaget, il s’intéressa à l’anthropologie et à la sociologie coloniales, au droit constitutionnel comme aux sciences politiques.
Ce n’est qu’en 2004 que je découvris pour ma part Mohamed Berdouzi, d’abord à l’IER. Nous travaillâmes ensuite ensemble au CCDH, au Conseil de la communauté marocaine de l’étranger, puis, enfin, à la CCRC. Ce réformiste à la fois pondéré et radical – à l’image d’un autre grand disparu, Driss Benzekri – devint un maître, et surtout un ami qui nous manque déjà.
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