Moyen-Orient : la poudrière

Irak, Kurdistan, Syrie, Pakistan, Afghanistan, Sinaï égyptien, Gaza, Israël : les nombreux conflits qui secouent actuellement la région vont s’intensifiant. Au point de dégénérer en une guerre à grande échelle ?

Attaque contre des camions-citernes de l’OTAN remplis de carburant, le 22 août au Pakistan. © Reuters

Attaque contre des camions-citernes de l’OTAN remplis de carburant, le 22 août au Pakistan. © Reuters

Publié le 8 septembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Comme embrasé par la canicule estivale, le Moyen-Orient est le théâtre de féroces combats et d’actes d’une extrême violence. Il n’est pas exclu que ces dangereux conflits dégénèrent en une guerre à grande échelle et mettent le feu à toute la région.

En représailles à une embuscade meurtrière du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) contre un convoi de l’armée turque, le 17 août, Ankara a bombardé, deux jours plus tard, 60 repaires supposés du PKK dans les montagnes du nord de l’Irak.

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À la mi-août, une vague d’attentats dévastateurs sur tout le territoire irakien faisait 68 morts et plus de 300 blessés. Revendiqués par Al-Qaïda, ils sont une nouvelle illustration des dégâts causés par l’invasion américaine de 2003 et la longue occupation qui a suivi. Ces attaques, qui démontrent par ailleurs l’incapacité du gouvernement à assurer un minimum de sécurité, sont sans doute liées aux rumeurs sur le maintien de troupes américaines en Irak au-delà de la fin de l’année, échéance convenue de leur retrait définitif.

En Libye, les rebelles se sont enfin emparés de Tripoli. En Syrie, le président Bachar al-Assad se bat pour sa survie politique, voire pour sa propre vie. Indignés par la répression brutale du mouvement de protestation, les États-Unis et de nombreux pays européens l’ont sommé de quitter le pouvoir. L’Arabie saoudite, poids lourd du monde arabe, et plusieurs États du Golfe ont rappelé leurs ambassadeurs à Damas. Mais Assad poursuit sa bravade. Pour lui, la révolte est une « conspiration » d’islamistes et d’éléments tiers appuyée par les puissances américaine et européenne, et manipulée par Israël. Elle viserait à punir la Syrie pour son soutien aux causes nationalistes arabes, et à l’abattre. Admettant la nécessité d’introduire des réformes politiques, Assad a toutefois annoncé la tenue d’élections législatives en février prochain. Sera-t-il entendu ? Pendant ce temps, les massacres continuent, ruinant les espoirs d’un règlement politique.

Plus à l’est, le Pakistan et l’Afghanistan sont les théâtres de conflits qui s’intensifient. Soumis à de fortes tensions internes, le Pakistan semble sur le point d’imploser. En Afghanistan, la sécurité est un vain mot : même Kaboul, la capitale puissamment défendue, n’est plus à l’abri des offensives talibanes. En Europe et aux États-Unis, l’opinion doute plus que jamais de la pertinence de l’implication occidentale dans cette guerre.

Bavure

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Comme de coutume, la zone de conflit la plus explosive se situe entre l’État hébreu et ses voisins. Le 18 août, 7 Israéliens ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans une série d’attaques qui visaient des bus et des voitures roulant à travers le désert du Néguev vers Eilat, au bord de la mer Rouge. Ces attaques sont les plus meurtrières qu’ait connues Israël depuis quatre ans. Lancées à la poursuite des assaillants, les troupes et l’aviation israéliennes ont pénétré dans le territoire égyptien et tué 5 policiers. Un incident qui a provoqué la colère du Caire et fait ressurgir la détestation latente d’Israël. Des drapeaux de l’État hébreu ont été brûlés et la foule a réclamé l’expulsion de l’ambassadeur. L’opinion égyptienne ressent encore comme un grand motif de honte la collaboration zélée de Hosni Moubarak avec Israël, notamment lors du siège de 1,5 million de Palestiniens à Gaza. L’Égypte exige de l’État hébreu des excuses et des dédommagements pour la mort de ses 5 policiers. Tout comme la Turquie pour ses 9 ressortissants tués le 31 mai 2010 par un commando israélien lors de l’assaut contre le Mavi Marmara, un bateau turc qui avait tenté de forcer le blocus maritime de Gaza.

Les attaques de véhicules israéliens près de la frontière Sinaï-Néguev pourraient bien être l’œuvre non pas de Palestiniens, comme le prétendent les Israéliens, mais de Bédouins en colère. Ces habitants semi-nomades du Sinaï ont été malmenés à la fois par Israël et par l’Égypte, et ils aspirent à davantage d’autonomie. Parmi eux, des groupes radicaux sont très certainement responsables des nombreuses attaques contre le pipeline qui approvisionne Israël en gaz naturel égyptien. Bien que le Hamas ait vigoureusement nié toute implication, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, lui en a immédiatement attribué la responsabilité. Et, comme ils en ont pris l’habitude, les avions israéliens sont aussitôt allés bombarder la bande de Gaza, tuant plusieurs civils et causant d’importants dommages.

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Soucieux de conserver une capacité de dissuasion, le Hamas et d’autres factions palestiniennes radicales ont alors tiré des roquettes sur le territoire israélien. La scène est ainsi préparée pour une vaste confrontation. Avec son ton guerrier habituel, le ministre de la Défense, Ehoud Barak, a déclaré : « Ceux qui agissent contre nous seront décapités. » Comme d’autres membres du gouvernement de droite de Netanyahou, il ne semble pas conscient du fait que l’attitude agressive et expansionniste d’Israël nourrit la haine à son encontre et mine sa sécurité future. À la mi-août, Barak lui-même a approuvé la construction de 277 logements dans la colonie juive d’Ariel, à l’intérieur de la Cisjordanie occupée. Or tout règlement raisonnable du conflit israélo-palestinien passe nécessairement par l’évacuation d’Ariel. Mais Israël persiste en projetant la construction de plus de 2 500 logements dans la partie arabe de Jérusalem, revendiquée par les Palestiniens comme leur future capitale. Et des responsables israéliens annoncent que la construction de 2 700 logements supplémentaires sera bientôt approuvée.

L’engrenage

Dans un article de l’International Herald Tribune du 20 au 21 août, Roger Cohen notait : « L’histoire des Juifs leur interdit de devenir les oppresseurs systématiques d’un autre peuple. Ils doivent affirmer haut et fort que la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie va non seulement accroître l’isolement d’Israël, mais aussi sa vulnérabilité. » Il y a une génération, James Baker, l’ex-secrétaire d’État américain, avait pressé l’État hébreu d’abandonner « le rêve irréalisable du Grand Israël ». Rien ne montre que ces conseils avisés aient été entendus. Et l’on peut, hélas sans risque de se tromper, pronostiquer de nouveaux cycles de violence. 

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