Côte d’Ivoire : Opération Anaconda

Trois militaires français, 41 000 dollars confisqués et une interpellation devenue une affaire d’État… Les autorités ivoiriennes font face à leur premier vrai (ou faux) complot.

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Publié le 28 août 2011 Lecture : 2 minutes.

Samedi 20 août à Biétry (Abidjan). Il est un peu plus de 16 h 30 lorsque des soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), à bord de pick-up frappés du logo Anaconda – surnom de Ouattara Issiaka, alias Wattao, commandant en second de la Garde républicaine –, assiègent le domicile de Frédéric Lafont, un homme d’affaires français rentré à Paris depuis quelques mois.

Ils amènent de force à la caserne de l’Établissement général des services (EGS) Jean-Grégoire Charaux et Jean-Marie Fontaine, colonels de la gendarmerie française, à la retraite, ainsi que Laurent Alvarès, un adjudant démobilisé de la Légion étrangère, pour qu’ils soient interrogés par un « capitaine » proche de Wattao. Ce dernier a été informé que le colonel Charaux arriverait à 15 h 10, dans un avion en provenance du Togo

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Proche de Laurent Gbagbo

Charaux est un collaborateur de Lafont. Et celui-ci, qui passait pour un proche de Laurent Gbagbo, n’a pas que des amis au sein de la communauté française d’Abidjan depuis qu’il a écarté deux de ses compatriotes de la gestion de Risk, la société de sécurité privée dont il est le propriétaire, et de Sophia Airlines, la compagnie aérienne gérée par son épouse ivoirienne. Le colonel arrêté envoie discrètement des SMS, notamment au général Soumaïla Bakayoko, chef d’État-major des armées, et au premier conseiller de l’ambassade de France en Côte d’Ivoire. La chancellerie alerte le Quai d’Orsay, qui saisit le président Alassane Ouattara, en vacances en France.

À 20 heures, les Français sont libérés, mais les FRCI refusent de remettre à Charaux les 41 000 dollars (18,7 millions de F CFA) qui étaient en sa possession. Explication de Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur : « Si cet argent a été retenu c’est parce qu’il y avait suspicion. » Plus que l’argent, c’est la personnalité de Lafont, un ancien légionnaire accusé par l’Union européenne, avant d’être blanchi, d’avoir convoyé des armes pour le compte de Gbagbo, qui inquiète les autorités. Bakayoko ne s’en cache pas : « Ces hommes travaillent pour un Français, Frédéric Lafont, qui a un passé trouble en Côte d’Ivoire. Parmi ces trois hommes, l’un a été patron d’une société de sécurité sous Laurent Gbagbo, l’autre a été chargé de la formation du Cecos [Centre de commandement des opérations de sécurité, NDLR] impliqué dans les massacres de la crise postélectorale. »

Furieux

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À la Direction de la surveillance du territoire (DST), désormais chargée de l’affaire suite à la plainte qu’il a déposée le lendemain pour « arrestation arbitraire, séquestration et vol », Charaux explique que Fontaine a été recruté par Lafont pour diriger Risk, et Alvarès, Vision, l’autre entreprise de sécurité privée qui lui appartient. Pas suffisant pour convaincre les autorités, qui pour l’heure n’ont retenu aucune charge contre les trois hommes, libres de tout mouvement à Abidjan.

Charaux pour sa part ne décolère pas. Il assure que les 41 000 dollars devaient servir à acquitter les frais de carburant des avions de Sophia Airlines. « Dans l’aviation en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique, tout se paye en dollars », précise-t-il. 

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