Chine : Pékin sans pitié

Tibet, Mongolie-Intérieure, Xinjiang… Aux mouvements de contestation violente qui agitent périodiquement les marches de la République populaire, ses dirigeants opposent une implacable fermeté. Et la liste des victimes s’allonge…

Policiers en armes à Kachgar, le 2 août. © Reuters

Policiers en armes à Kachgar, le 2 août. © Reuters

Publié le 12 septembre 2011 Lecture : 4 minutes.

La tension est palpable à Kachgar, toujours sous contrôle des forces de l’ordre chinoises intervenues pour rétablir le calme au lendemain de la série d’attentats qui a endeuillé la province du Xinjiang, fin juillet. Bilan : plus de quarante victimes au total, depuis les premiers incidents de Hotan, le 18 juillet. Selon les militants des droits de l’homme, c’est la police qui a tout déclenché en ouvrant le feu sur une manifestation pacifiste. À l’inverse, les autorités mettent en cause une attaque terroriste contre un commissariat, œuvre de musulmans séparatistes entraînés au Pakistan.

Quoi qu’il en soit, il s’agit de la plus importante vague d’affrontements ethniques entre la minorité ouïgoure et les Hans, majoritaires, depuis les émeutes de 2009 (deux cents morts). Presque une routine pour Pékin, habitué à mater les débordements de ses minorités…

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Le 16 mars, trois ans exactement après les émeutes antichinoises de Lhassa (deux cents morts), un jeune moine du monastère de Kirti, dans la préfecture autonome tibétaine d’Aba, au Sichuan, s’était immolé par le feu, provoquant de violents combats entre la population tibétaine et les policiers chinois. Le monastère, aujourd’hui coupé du monde par un cordon policier, est interdit aux journalistes.

En Mongolie-Intérieure, le 11 mai, c’est la mort d’un berger mongol qui participait à une manifestation d’éleveurs contre les toutes-puissantes compagnies minières qui a mis le feu aux poudres. De quoi attiser le nationalisme mongol et inquiéter les autorités, bien conscientes que, dans l’hypothèse où les manifestants parviendraient à paralyser les mines et les voies d’acheminement du charbon, l’impact économique de cette grogne sociale serait décuplé. Mais jusqu’ici, en dépit du violent sentiment d’injustice éprouvé par les Mongols, jamais les troubles n’ont pris l’ampleur des événements du Tibet ou du Xinjiang.

Pour sa part, la communauté internationale reste impuissante. Périodiquement, elle dénonce les écarts autoritaires de Pékin… et c’est à peu près tout. Dans son rapport rendu public le 8 avril consacré à « la pratique des droits de l’homme en 2010 », le département d’État américain s’est borné à condamner les « limitations à la liberté d’expression » en Chine et les « graves répressions » au Tibet et dans la région du Xinjiang. Pékin a répliqué en dénonçant les « atteintes aux droits des citoyens aux États-Unis », pays « gangrené par la criminalité et la discrimination raciale et sexuelle ». Une passe d’armes désormais habituelle entre les deux grandes puissances.

Tolérance zéro. Pourtant, depuis le déclenchement des mouvements démocratiques dans le monde arabe, les autorités sont sur le qui-vive. Car, si les cinquante-cinq minorités que compte le pays ne représentent que 8 % de la population totale, leurs territoires sont riches et jouxtent toutes les frontières du pays, ce qui évidemment leur confère une grande importance stratégique. Tolérance zéro est désormais le maître mot dans cette Chine qui a célébré cette année avec faste le 90e anniversaire de la fondation de son Parti communiste.

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Toute contestation doit être étouffée dans l’œuf. Notamment dans le Xinjiang, zone tampon entre l’Asie centrale et le monde chinois. Très riche en matières premières (or, uranium, gaz, charbon, pétrole), cette région autonome abrite en outre le plus grand centre de recherche nucléaire du pays.

Terrorisme, séparatisme, extrémisme : les trois "forces diaboliques" qui minent la région.

Depuis quinze ans, sous prétexte de favoriser le développement, les autorités y ont massivement encouragé l’immigration chinoise han, marginalisant ainsi les Ouïgours musulmans et turcophones, qui ne représentent plus que 45 % de la population. La liste des doléances est longue : interdiction de l’enseignement de la langue ouïgoure, inégalité des chances, impossibilité de devenir fonctionnaire sans renoncer à l’islam, restrictions de l’accès à l’eau potable…

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Bouc émissaire

Selon l’agence chinoise de lutte contre le terrorisme, qui organise régulièrement des exercices conjoints entre les armées chinoise, tadjik et kirghize, il faut éradiquer les « trois forces diaboliques » qui minent la région. À savoir : « le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme »

Car si les revendications ouïgoures sont avant tout socioéconomiques, Pékin préfère y voir la signature de la dissidente Rebiya Kadeer (64 ans), aujourd’hui exilée aux États-Unis et accusée de tous les maux. Un bouc émissaire commode pour le gouvernement, qui brandit le spectre d’un complot séparatiste ourdi depuis l’étranger (notamment le Pakistan) par des fondamentalistes musulmans nostalgiques d’une République islamique du Turkestan oriental.

Au lendemain des attentats du 11 Septembre, l’inscription par les États-Unis du Mouvement islamique du Turkestan oriental (Mito) sur la liste noire des organisations terroristes avait en effet permis de stigmatiser la dissidence ouïgoure, soupçonnée de liens avec le terrorisme et Al-Qaïda, et de justifier aux yeux de l’opinion internationale une répression systématique et musclée.

D’autant que, sans l’attrait du boud­dhisme et l’image d’un dalaï-lama symbole de paix, le monde occidental a bien du mal à s’émouvoir du sort de ces musulmans, bien moins charismatiques que le peuple tibétain ou les éleveurs mongols.

Pékin a donc le champ libre et ne tolérera aucune turbulence. Le 6 août, Meng Jianzhu, le ministre de la Sécurité publique, s’est montré sans ambiguïté : « Nous n’aurons ni pitié ni tolérance envers ces criminels. Nous extirperons la violence à sa racine et par tous les moyens. »

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