Algérie : « F’tour aux chandelles »

Dus à des pics de consommation, des délestages à répétition empoisonnent la vie des usagers algériens. Qui sont à bout de patience.

Des Algériens réunis dans la capitale, un soir de match. © AFP

Des Algériens réunis dans la capitale, un soir de match. © AFP

Publié le 29 août 2011 Lecture : 3 minutes.

Depuis plus d’un mois, toute l’Algérie est soumise à de réguliers délestages de courant électrique dus, selon les services de communication du groupe public Sonelgaz, à des pics de consommation provoqués par une forte demande, consécutive à des températures caniculaires. « La puissance maximale appelée (PMA) a battu, le 11 juillet, un nouveau record, avec 8 259 mégawatts (MW), soit 541 MW de plus que celui enregistré en août 2010, avec 7 718 MW », explique Manel Aït Mekideche, directrice de la communication de Sonelgaz, qui met cette brusque montée de la consommation sur le compte de la « démocratisation des climatiseurs ».

Voire ! D’autant que le fameux record de PMA était battu un mois plus tard, le 8 août, alors que les températures étaient plus clémentes. La consommation énergétique atteint alors un pic de 8 746 MW. Les délestages touchent toutes les régions du pays. Des émeutes éclatent dans plusieurs villes et villages, le siège de Sonelgaz est incendié, et des commerçants entament marches et sit-in pour obtenir des indemnisations. Précision : les délestages ne sont pas toujours de brèves coupures censées éviter le black-out et durent souvent plusieurs heures. Résultats : la chaleur aidant, le contenu des réfrigérateurs et congélateurs devient très vite impropre à la consommation.

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Le 7 août, quelques minutes après le f’tour (rupture du jeûne), les 450 000 habitants de Blida, à 50 km à l’ouest d’Alger, sont brusquement plongés dans le noir. Manque de chance, ce soir-là, le thermomètre affiche 42 °C. La population manque de suffoquer. Les commerçants, qui réalisent 60 % de leur chiffre d’affaires en soirée, baissent le rideau. Les vendeurs de glaces en sont réduits à jeter dans le caniveau leur marchandise. Qui dit coupure de courant dit robinets à sec, pétrins à l’arrêt – donc pas de production de pain – et ascenseurs immobilisés (un gros souci puisqu’on construit de plus en plus de tours d’habitation dépassant les vingt étages). Le courant ne sera rétabli que le lendemain. « Du coup, avoue sans honte Mounir, quadragénaire, cadre dans un grand groupe étranger, je me suis senti dans le même état d’esprit qu’un jeune qui sort dans la rue pour tout casser. »

Les justifications de Sonelgaz semblent peu crédibles, car, selon les chiffres officiels du gouvernement d’Ahmed Ouyahia, les capacités de production nationales se situent au-dessus de 10 000 MW, soit à un niveau supérieur au pic de consommation du 8 août. « Nos capacités ont été réduites par l’entrée en maintenance de quatre centrales électriques, minimise Salim Mebarak, directeur d’une agence Sonelgaz à Alger. Cette opération était programmée de longue date. En revanche, l’arrêt de l’unité de Skikda, dont la capacité de production est de 400 MW, a perturbé la distribution au niveau national. »

Piratage

Sonelgaz n’est pas la seule à subir le courroux des usagers. Parfois, la colère vise la population des bidonvilles, accusée de pirater le réseau de distribution jusqu’à saturation. Le 5 août, des habitants de Mostaganem ont organisé une descente musclée dans les habitations précaires de leur cité pour y détruire les connexions pirates. Selon des témoins, les affrontements ont été très violents et l’absence de victime relève du miracle.

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Alors que les délestages n’épargnent aucune région, notamment celles du Sud, où l’on enregistre des températures supérieures à 50 °C, le président, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé, le 3 août, à l’issue d’une séance d’évaluation du secteur de l’énergie, une augmentation des capacités de production de l’ordre de 4 000 MW d’ici à 2015. Cela suppose la réalisation, chaque année, de centrales d’une puissance cumulée de 1 000 MW. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement mise sur l’apport du solaire. Inaugurée le 15 juillet, la centrale hybride (solaire-gaz naturel) de Hassi R’mel, d’une capacité de 150 MW, devrait très vite avoir des petites sœurs. En attendant le solaire, certains Algériens rompront le jeûne en s’éclairant à la bougie. Mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, on signale un début de pénurie de bougies…

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