Tunisie : Djerba, une planque en or pour les Libyens
L’île de Djerba en Tunisie voit sa saison sauvée de manière inattendue : elle accueille les exilés libyens fortunés, pro et anti-Kadhafi. Une clientèle qui ne fait pas l’unanimité.
La nouvelle vie des riches
Une longue jupe, des chaussures fermées et la tête couverte d’un voile, cette jeune mère de famille qui joue avec ses enfants au bord de la piscine déserte d’un cinq étoiles n’est pas une touriste séjournant en Tunisie.
« Il nous a fallu plus de douze heures pour arriver de Tripoli, nous pensions ne jamais franchir la frontière. Avant, on venait à Djerba en vacances ou pour se soigner, mais aujourd’hui nous sommes des réfugiés dans l’attente d’un vol pour Montréal », raconte Aïcha avec un peu d’amertume. Son élégante montre en or et ses vêtements coûteux la classent d’emblée parmi ces Libyens aisés qui ont investi l’île touristique.
Suites à 800 euros la nuit
Sirotant une bière, Hafiz, lui, affirme être « en vacances longue durée au Royal Garden ». À la table voisine, six femmes de sa famille, toutes rigoureusement voilées, bavardent en jetant des regards en coin. Malgré le déni de certains hôteliers, qui trouvent cette clientèle pas assez flatteuse et pouvant faire fuir les vacanciers occidentaux, le tourisme à Djerba risque, cette saison, d’être sauvé par la manne inattendue des riches Libyens.
« Ceux qui logent dans les suites à 800 euros la nuit, et qui ne lésinent pas sur les pourboires, sont en général des hommes d’affaires qui ne quittent leur chambre que le soir pour traîner dans les bars », explique un employé.
Parfois proches du régime, ce sont des patrons de sociétés pétrolières, de hauts responsables de banque, des importateurs dont les activités sont paralysées par les frappes de l’Otan. D’autres soutiennent les rebelles et se servent de Djerba comme arrière-base logistique. Mais dans la vingtaine d’établissements de luxe que compte l’île, ce petit monde ne dépasse pas les 200 personnes.
Rubis sur l’ongle
Ils se baladent avec des valises pleines de billets.
Les familles préfèrent les locations richement meublées et loin des regards des curieux et, éventuellement, des partisans de l’autre camp. « Ils règlent rubis sur l’ongle deux à trois mois de caution », explique un réceptionniste. Le directeur d’un palace refuse, pour sa part, de confirmer la présence de personnalités en provenance de Tripoli, malgré les nombreuses grosses berlines de marques nippones arborant des plaques officielles de la Jamahirya sur le parking de son établissement.
« Nous devons être extrêmement discrets. Il y a eu des heurts la semaine dernière, à Houmt Souk, entre des rebelles et des pro-Kadhafi. Certains clients ne quittent pas l’hôtel, d’autres en changent fréquemment pour ne pas être reconnus, quand ils ne vont pas vers Sousse, Hammamet, voire l’Europe et le Moyen-Orient », explique-t-il.
Même si les tiroirs-caisses de Djerba fonctionnent, les insulaires commencent à grogner. « On craint la moindre étincelle, la vigilance est maximale, l’entrée des hôtels est contrôlée. Ils se baladent avec des valises pleines de billets, mais l’argent n’empêche ni l’ennui ni la peur. Après tout, leur pays est en guerre », commente avec agacement un guide touristique guère tendre avec cette clientèle d’un nouveau genre. « Les vrais réfugiés sont dans les camps des postes-frontières de Ras el-Jdir et Dhiba. Ici, c’est une planque de luxe », conclut-il.
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