Ellen Margrethe Løj : au Liberia, « le chemin vers la réconciliation est long »
Depuis sa nomination à la tête de la Mission des Nations unies au Liberia, en octobre 2007, la diplomate danoise suit l’évolution de la situation sécuritaire et les progrès du pays dans la construction d’un État de droit.
Liberia : chronique d’un retour annoncé
Jeune Afrique : Quel est le rôle et quels sont les effectifs de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) ?
Ellen Margrethe Løj : Notre mission est d’assurer le maintien de la paix et d’accompagner les Libériens dans la reconstruction de leurs institutions. Pour cela, nous disposons d’environ 8 000 soldats répartis sur l’ensemble du territoire, qui interviennent principalement dans des disputes ethniques et foncières, et de 1 400 consultants et policiers, qui forment les nouvelles police et armée libériennes.
Le Liberia est-il aujourd’hui véritablement pacifié ?
Le chemin vers la réconciliation est long. Pendant la guerre, qui a duré quatorze ans, les Libériens ont appris qu’ils ne pouvaient se fier qu’à eux-mêmes. Le plus difficile est de leur redonner confiance dans leurs institutions. Aujourd’hui encore, nos Casques bleus doivent intervenir pour empêcher que des groupes recourent à la violence collective et se fassent justice eux-mêmes, car ils ne croient plus dans les tribunaux ou la police.
Quel a été l’impact de la crise ivoirienne sur le Liberia ?
Après la fin des combats en Côte d’Ivoire, on a vu arriver, dans le nord et l’est du pays, des combattants ivoiriens et des mercenaires libériens qui appartenaient aussi bien au camp de Gbagbo qu’à celui de Ouattara. Dans le même temps, plus de 130 000 civils ivoiriens ont traversé la frontière pour se réfugier dans cette même zone. Assurer la sécurité là-bas n’est pas une tâche facile : la frontière, formée par une rivière en pleine forêt tropicale, a toujours été poreuse. Beaucoup d’armes sont ainsi rentrées dans le pays…
Comment faites-vous face ?
Nous avons renforcé nos contingents dans l’Est libérien et, de son côté, l’Onuci [Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, NDLR] s’est redéployée dans l’Ouest ivoirien. Nos troupes et hélicoptères patrouillent le long de la frontière. Nous collaborons activement dans le domaine du renseignement pour cerner les intentions de différents groupes armés : certains vont chercher à s’intégrer localement, d’autres vont vouloir continuer à se battre ou à piller. Nous les surveillons activement.
On a souvent qualifié le Liberia de « protectorat des Nations unies », tellement le pays paraissait sous tutelle internationale… Qu’en pensez-vous ?
Le mandat et les moyens donnés à la Minul en 2003 étaient larges [la mission coûte 352 millions d’euros chaque année], mais ils étaient nécessaires compte tenu de l’état du pays et des inimitiés accumulées pendant la guerre. Dans le passé, nous nous sommes rendu compte qu’il était illusoire d’espérer instaurer une paix durable dans un pays qui sort de la guerre sans engager très tôt des programmes de réconciliation et de formation. L’expérience du Timor-Oriental en est la preuve : là-bas, entre 1999 et 2002, nous nous sommes concentrés sur la question sécuritaire. Résultat, en 2006, de nouvelles violences ont éclaté et nous avons dû nous réengager dans ce pays… Afin d’éviter les mêmes écueils, le mandat au Liberia intègre depuis le début de la mission une panoplie d’actions plus étendue que les seules opérations de maintien de la paix.
Le mandat de la Minul arrive à échéance fin septembre. Comment voyez-vous la suite ?
Nous garderons le même niveau d’effectifs jusqu’à fin décembre, le temps de s’assurer que le référendum constitutionnel d’août puis les élections présidentielles de novembre se déroulent convenablement. Ensuite, je pense que nous irons vers une mission d’assistance technique, mais je ne peux pas en dire plus : tout cela doit être discuté au Conseil de sécurité des Nations unies.
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Propos recueillis à Monrovia par Christophe Le Bec
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