Liberia : « La campagne électorale a commencé depuis longtemps »
Stephen Ellis est chercheur au Centre d’études africaines de l’Université d’Amsterdam, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Afrique.
Liberia : chronique d’un retour annoncé
Le 11 octobre 2011, les Libériens se rendront aux urnes pour élire une nouvelle Chambre des représentants et renouveler la moitié du Sénat. Ils devront également choisir leur nouveau chef de l’État. À moins que le résultat du référendum constitutionnel du 23 août, relatif aux conditions d’éligibilité et aux modalités d’organisation du scrutin, n’implique de décaler de quelques jours la date de l’élection présidentielle – dont l’éventuel second tour est fixé au 8 novembre.
Officiellement, la campagne électorale ne s’ouvrait que le 5 juillet et la nomination des candidats devait avoir lieu le 20 juillet. Mais, dans les faits, elle a commencé depuis longtemps.
La favorite du scrutin est sans conteste la présidente sortante, Ellen Johnson-Sirleaf. Cette dernière avait promis de ne pas se représenter. Dès 2010, elle a cependant fait connaître sa volonté de concourir pour un second mandat.
Le caractère centralisé de l’État libérien, qui accorde au chef de l’État d’importantes prérogatives, favorise la réélection du président. Mais Johnson-Sirleaf présente d’autres avantages sur ses concurrents. Celle qui a obtenu son premier portefeuille ministériel dans les années 1970 ne manque pas d’expérience politique.
L’ancien international George Weah a lui-même reconnu que le jeu politique était plus compliqué que le football.
Son statut de première femme présidente africaine lui confère un prestige international. Son arrivée au pouvoir s’est faite dans un contexte économique prospère, que le Liberia n’avait pas connu depuis les années 1960, grâce à l’intérêt croissant porté aux richesses minières du pays, notamment aux réserves de fer. À cela s’ajoute sa relative « jeunesse ». Ellen Johnson-Sirleaf fêtera ses 73 printemps quelques jours seulement après le premier tour des élections. Elle est donc bien en deçà des standards du continent en la matière : il suffit de voir l’exemple d’Abdoulaye Wade et de Robert Mugabe (respectivement 85 et 87 ans). Tant que la présidente sera en bonne santé, il y a de fortes chances de la voir diriger le pays ces six prochaines années.
Parmi les autres candidats, seule une poignée peut espérer peser véritablement lors de ces élections. Le plus sérieux concurrent est peut-être Charles Brumskine, avocat formé aux États-Unis qui a fait ses premières armes en politique sous Charles Taylor, ancien chef militaire et président du Liberia de 1997 à 2003, aujourd’hui emprisonné aux Pays-Bas en attendant le verdict dans son procès pour crimes de guerre. Mais voir son nom associé à celui de Taylor ne peut pas vous faire perdre une élection. Ce dernier reste très populaire dans certains milieux. Quant à Brumskine, il est apprécié dans son fief du comté de Grand Bassa, y compris dans le port de Buchanan, principal centre d’exportations minières.
Le candidat du principal parti de l’opposition, le Congrès pour le changement démocratique, c’est Winston Tubman, ex-haut fonctionnaire des Nations unies, dont le nom est immédiatement associé à celui de son parent, William Tubman, président du Liberia de 1944 à 1971. Son compagnon de course est l’ancien footballeur George Weah. Mais malgré la popularité de ce dernier, la tâche des deux hommes s’annonce ardue : Weah a lui-même reconnu que le jeu politique était plus compliqué que le football.
La candidature la plus surprenante est peut-être celle de Prince Johnson, l’ancien rebelle célèbre pour avoir torturé à mort le président Samuel Doe en 1990 alors qu’il était filmé. Johnson, aujourd’hui sénateur, a tout fait pour qu’on oublie son passé violent. Pour la présidentielle, il peut compter sur ses électeurs de Nimba, qu’il a promis de protéger des persécutions extérieures.
Un rapport de la Commission Vérité et Réconciliation estime que Johnson fait partie de ces chefs rebelles qui doivent passer devant la justice pour répondre de leurs crimes de guerre. Cette même commission libérienne a inscrit le nom de Sirleaf sur une liste de personnes accusées d’avoir financé et soutenu différentes factions guerrières du pays. En conséquence, la Commission avait préconisé d’interdire à l’actuelle présidente l’accès à un quelconque poste public.
Mais, s’il y a un point sur lequel tous les candidats s’accordent, c’est bien que l’on ne doit pas leur tenir rigueur de ce qui s’est passé pendant la guerre. Des années de conflit qui ont vu se compromettre presque toute la classe politique libérienne…
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