Liberia : en avant toute !

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  • Christophe Le Bec

    Christophe Le Bec est journaliste économique. Il couvre l’actualité des secteurs pétrolier, minier et industriels (automobile et aéronautique). Il s’intéresse aux questions de transparence et de gouvernance, ainsi qu’aux organisations patronales et syndicales. Il lui arrive aussi d’écrire sur des sujets religieux et sur la Guinée.

Publié le 20 août 2011 Lecture : 3 minutes.

Liberia : chronique d’un retour annoncé
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Liberia : chronique d’un retour annoncé

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Pour qui a visité Monrovia au sortir de la guerre civile (1989-2003) et y revient aujourd’hui, le contraste est saisissant. Fin 2004, on ne pouvait manquer les ruines et les impacts de balles ; désormais, les stigmates du conflit ont presque disparu du paysage urbain, hors quelques rares bâtiments abandonnés, perdus au milieu des nouvelles constructions. Dès qu’ils épargnent un peu, les Monroviens construisent, réparent, effacent les traces du passé.

L’atmosphère aussi a radicalement changé. Rien de commun entre les rues désertes de l’immédiat après-guerre et la foule colorée qui s’active aujourd’hui dans le centre-ville. Quant aux militaires onusiens, fonctionnaires internationaux et humanitaires (près de 30 000 en 2004), ils sont trois fois moins nombreux. Et plus discrets.

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En dehors du secteur de la sécurité, le gouvernement est désormais aux commandes. Du quartier aisé de Mamba Point jusqu’aux marchés populaires de Congo Town, l’heure est à la reconstruction et à l’initiative, dans tous les domaines. Les Libériens, au premier rang desquels leur présidente, Ellen Johnson-Sirleaf, veulent aller de l’avant, avec cet esprit d’entreprise qui les caractérise, héritage des fondateurs (et colonisateurs) africains-américains du pays.

Fini l’évocation des chefs de guerre qui ont déchiré le petit Liberia, enrôlé des mercenaires, parfois des enfants, attisant les tensions interethniques pour s’approprier le pouvoir, les mines, le bois, le caoutchouc… Exit les scènes de violence horribles, restituées par le romancier Ahmadou Kourouma dans Allah n’est pas obligé (2000) ou par le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire dans Johnny Mad Dog (2008). Cependant, si les marques du conflit s’estompent dans le paysage, si l’économie repart et si les investisseurs sont de retour, notamment grâce à l’activisme de la présidente appuyée par le « grand frère » américain, la société met du temps à cicatriser.

Le prochain président devra avancer sur les deux tableaux : la reconstruction et la réconciliation.

Après des années à n’avoir pu compter que sur eux-mêmes, les Libériens réapprennent lentement à se faire confiance et, plus lentement encore, à faire confiance à leur administration et à leurs élus. Des milliers de jeunes (47 % des Libériens avaient moins de 15 ans en 2005) ont vu leur parcours bouleversé par la guerre. Les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, qui s’annonçait pourtant ambitieuse, n’ont pas donné beaucoup de résultats. À l’exception de l’ancien président Charles Taylor, inculpé à La Haye (mais pour son implication dans la guerre civile sierra-léonaise), aucun criminel de guerre important n’a été jugé. Pis, la candidature à la présidentielle de l’ancien chef de guerre Prince Johnson a été validée par la commission électorale.

Si la campagne pour le scrutin d’octobre promet d’être passionnée – les politiciens libériens sont de véritables tribuns –, elle ne remettra pas en cause la trajectoire positive prise par le pays depuis 2005. Mais, pour que le Liberia continue de suivre cette voie, le prochain président devra montrer qu’il peut avancer sur les deux tableaux : la reconstruction et la réconciliation, l’une n’allant pas sans l’autre. Pour le moment, la priorité est allée à la première.

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Autre défi : la reprise en main de la sécurité par une armée et une police libériennes nouvellement formées. Elles devront notamment être capables de gérer l’arrivée des combattants venus de Côte d’Ivoire en avril et réussir à démanteler les réseaux de recrutement de mercenaires. Pour cela, le pays, mieux intégré au sein de la sous-région, devrait recevoir le soutien de ses voisins et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

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