Adel Paul Boulad, le bon angle d’attaque
Arrivé en France à l’adolescence, cet Égyptien est à la fois un promoteur passionné du tahtib, un art martial de son pays natal, et un coach d’entreprise atypique.
Empoignades, coups de pieds coups de poing… Adel Boulad se souvient, mi-amusé, mi-nostalgique, de son enfance à Port-Fouad. Presque tous les soirs, après l’école, le futur professeur d’arts martiaux se lançait, avec ses camarades d’une dizaine d’années, dans des « bagarres qui n’avaient pour but que de foutre l’autre par terre ». Les techniques de combat étaient rudimentaires face à ceux qui faisaient du judo, bien plus forts. Le jeune garçon y a néanmoins acquis une détermination farouche. « Je n’avais qu’une seule envie : les battre. » Ce que, pour des raisons bêtement géographiques, il n’a jamais réussi. L’école de judo se trouvait à Port-Saïd, de l’autre côté du canal de Suez.
Une cinquantaine d’années ont passé sans faire de ravages, confirmant les traits esquissés dans l’enfance. Une énergie vive concentrée dans une petite taille et une figure ronde percée d’un regard perçant donnent à Adel Boulad l’air décidé d’un aïkidoka avant l’attaque. Pour se mesurer à lui, si l’envie vous en prend, ce n’est plus en Égypte, mais à Paris, au parc Montsouris, qu’il faut se rendre. Ne pas oublier de se munir d’un bâton et d’une bonne dose de gouaille, sans quoi le maître n’hésitera pas à laisser parler son goût prononcé pour la moquerie. Il ne faut pas s’y fier : ce rire cache une démarche fort sérieuse. Pratiquant les arts martiaux depuis son arrivée en France, en 1969, professeur diplômé d’État de judo, d’aïkido et de karaté, l’ancien écolier batailleur a acquis une excellente technique et un charisme à la hauteur.
Nulles gambades excentriques dans le parc parisien. Au contraire : grâce à Boulad, c’est un moment d’histoire à demi oublié qui ressurgit : le tahtib, art du bâton égyptien. « À force d’explorer les arts martiaux asiatiques me revenaient des souvenirs de joutes vues dans mon pays natal. Mariages, enterrements ou même repas : les paysans sortaient un bâton et dansaient avec à la moindre occasion. » Ces traces d’une pratique millénaire fascinent le passionné et le poussent à partir à la rencontre des quelques grandes pointures du tahtib. Puis à apprendre auprès d’eux. Aujourd’hui, il enseigne cet art à Paris, dans le cadre de son association Seiza, et à Malawi, en Moyenne Égypte. « Mon but est de rendre au tahtib la place qu’il mérite dans le monde des arts martiaux. Ses aspects rythmique et collectif le singularisent, font de lui un vecteur potentiel de cohésion et d’éducation », dit-il. D’où le projet de faire entrer cet art dans les écoles égyptiennes.
Une idée ambitieuse, héritée sans doute d’une famille qui, depuis plusieurs générations, œuvre au développement de l’Égypte. « Gabriel Boulad, grand bâtonnier d’Alexandrie ; Farid Boulad, architecte-ingénieur de la gare centrale du Caire ; Marie-Catherine Boulad, première femme avocate des tribunaux mixtes du Caire… » L’énumération réjouit le descendant : son projet, à sa façon, perpétue une tradition et matérialise son lien avec le pays natal.
Adel Boulad ne passe néanmoins pas tout son temps à manier le bâton. En d’autres heures et d’autres lieux, il troque son fidèle jogging pour un costume bien repassé, à première vue étranger aux duels martiaux. Ainsi vêtu, il rend visite à ses clients, dans les entreprises. Relations humaines, stratégies de redressement : sur tous les sujets possibles, il prodigue des conseils avisés. Coach d’entreprise, telle est sa seconde casquette, qui a quelques liens avec la première puisqu’il met les techniques des arts martiaux au service de son travail. « Imaginez qu’un sabre soit en train de vous tomber sur la tête. Que faites-vous ? » Attention à la réponse… « Vous changez d’angle ! Autour de vous, il y a l’infini ! » Pourquoi pas, après tout ?
Inédite, cette méthode est le pilier de Performance and Leadership Institute (PLI), société fondée par Boulad en 2001, après vingt années de management, dont onze à l’international. Rien, pourtant, ne le prédestinait à une telle carrière. Titulaire d’un doctorat de sciences physiques sur les sédiments marins du bassin d’Angola, un futur d’enseignant-chercheur s’ouvrait à lui. « Aux côtés de Claude Allègre, j’ai participé au bond quantique qu’a connu la science dans les années 1970. C’était extraordinaire. Mais quand je me suis rendu compte que je me préparais à un poste de fonctionnaire inamovible de Jussieu, ça m’a déprimé ! » Il démissionne, abandonne la science pour emprunter la voie qu’on connaît. Une preuve de polyvalence ? Boulad explique les choses en termes d’angles. Science, tahtib et coaching ne seraient que des points de vue différents sur une même réalité…
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