Famine dans la Corne de l’Afrique : au nom de la solidarité

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 4 août 2011 Lecture : 2 minutes.

« Nous sommes en train de mourir faute d’assistance humanitaire. Où est l’ONU ? Où est le monde musulman ? S’il vous plaît, venez nous aider. Nous souffrons beaucoup. » Vous avez vu l’image de cette femme somalienne appelant l’humanité au secours de son peuple en proie à la faim pour cause de sécheresse. Vous avez vu les corps décharnés, les yeux creusés de ces hommes, ces femmes, ces enfants somaliens errant tels des zombies. L’ONU a décrété l’état de famine dans cette République fantôme où 3,7 millions de personnes, c’est-à-dire plus du tiers de la population, sont en danger de mort. Toute la Corne de l’Afrique est menacée : 12 millions de personnes. Pour les sauver, l’ONU a lancé un SOS aux bailleurs de fonds. Classique.

J’ai beau tendre l’oreille, aucun chef d’État ne s’est exprimé sur cette tragédie annoncée. Rien, même pas un chuchotement. Comme d’habitude. Indifférence, fatalisme ? Si je comprends bien la signification de ce silence, j’imagine à quoi pensent nos dirigeants. Ils se disent : « Nous sommes pauvres, donc impuissants. » Ou encore : « Nous avons d’autres chats à fouetter. » Soit. Sauf que, à force de mettre en avant la pauvreté, on aboutit à la paralysie des neurones. Or, dans leurs discours, de quoi parlent les dirigeants ? De l’unité du continent. De solidarité africaine. Des mots, rien que des mots. Car, lorsque le malheur touche un des membres de la famille, ils adoptent l’attitude stérile du spectateur. À l’évidence, même dans les pays les plus fertiles, il n’existe aucune réserve alimentaire.

Que les chefs d’État africains renoncent pendant un an à la dotation présidentielle et aux fonds secrets

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Pour exprimer notre solidarité – la vraie, pas celle des discours de circonstance – à l’égard de nos frères de la Corne, j’ai quelques pistes intéressantes. Première piste : que toutes les limousines achetées à l’occasion des sommets de l’Union africaine et des cinquantenaires soient vendues aux enchères pour trouver de l’argent. Deuxième piste : les chefs d’État doivent renoncer pendant un an à la dotation présidentielle et aux fonds secrets. Troisième piste : ils doivent mobiliser la population afin que chacun donne selon ses moyens. Les gens sont trop pauvres pour agir ? Peut-être. Mais pourquoi les pauvres roulent-ils en 4×4 ou en voiture de luxe ? Pourquoi boivent-ils les meilleurs champagnes, vins, spiritueux du monde ? Pourquoi entretiennent-ils ces deuxièmes, voire centièmes bureaux ? Frères africains, vous pour qui la vie est un long fleuve tranquille, vous dont le train de vie ne correspond pas à vos revenus officiels, ne pouvez-vous pas, un seul instant, y renoncer et sauver ceux dont les ventres n’ont plus d’oreilles ?

On me rétorquera qu’ailleurs il n’y a rien non plus à manger. Pas sûr : mes yeux ont vu des légumes et des fruits en quantité industrielle pourrir en Guinée ou au Bénin. J’ai vu des troupeaux de bovins en parfaite santé au Tchad ou au Rwanda, et j’en passe. Si chaque pays pouvait donner le peu qu’il a pour exprimer sa solidarité aux habitants de la Corne de l’Afrique, plutôt que de s’autoproclamer démuni, le pire serait évité. Vous me direz que je rêve éveillé. Non. Je suis un afro-optimiste impénitent. Sans rêve, pas d’avenir. 

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