Norvège : Anders Behring Breivik, portrait d’un tueur en gendre idéal

Pourquoi ce fils de bonne famille, Anders Behring Breivik beau gosse et sans histoire, a-t-il, le 22 juillet, massacré au moins soixante dix-sept de ses compatriotes ?

Anders Behring Breivik à son arrivée au tribunal d’Oslo. © REUTERS

Anders Behring Breivik à son arrivée au tribunal d’Oslo. © REUTERS

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Publié le 4 août 2011 Lecture : 3 minutes.

Il avait tout du gendre idéal. Beau gosse, fils de diplomate, et si poli… Jusqu’à ses 32 ans, Anders Behring Breivik n’avait jamais fait parler de lui. Taciturne, il avait peu d’amis et encore moins de petites amies. Pourquoi s’encombrer d’amourettes quand on médite de grandioses desseins ? Planqué dans une ferme à 160 km d’Oslo, la capitale norvégienne, il ruminait sa haine pour l’islam et pour une société qui méconnaissait ses éminentes qualités.

Deux années durant, le pseudo-fermier a planifié son forfait, se procurant de l’engrais pour fabriquer sa bombe, choisissant d’utiliser des balles aux effets dévastateurs et rédigeant ses réflexions politiques : 1 500 pages sur internet, ainsi que des vidéos résumant son œuvre. Une logorrhée pénible, dans laquelle il dénonce pêle-mêle le nazisme et le marxisme, matrice du « multiculturalisme » et de l’islamisme, le tout agrémenté d’images des croisades. Tout un fatras d’idées d’extrême droite mal digérées sur fond de délire raciste. « Si nous voulons empêcher que l’Europe devienne une “Eurabian Union », devenons les chevaliers justiciers de notre pays », affirme le Rambo blond qui pose en tablier de franc-maçon, en croisé et en uniforme. C’est d’ailleurs dans cette tenue que ce pervers narcissique voulait comparaître. La justice lui a refusé le déguisement et a ordonné le huis clos.

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Breivik souhaitait laisser dans l’Histoire la trace du « plus grand monstre nazi depuis la Seconde Guerre mondiale ». Sans aller jusque-là, il a tout de même causé, semble-t-il à lui seul, la mort d’au moins 77 de ses compatriotes. Un effrayant bilan qui pourrait lui valoir le chef d’inculpation de « crime contre l’humanité ».

 Il voulait être "le plus grand monstre nazi depuis la Seconde Guerre mondiale".

Le 22 juillet, il fait exploser une voiture piégée dans le quartier des ministères, en plein cœur d’Oslo (8 morts), puis, déguisé en policier, ouvre le feu sur des centaines de personnes qui participent à l’université d’été des Jeunesses sociales-démocrates, sur l’île d’Utoya, à 40 km de la capitale (68 morts). Aujourd’hui, il reconnaît la responsabilité de ses actes, qu’il juge « cruels mais nécessaires », et se dit prêt à passer sa vie en prison.

Lui qui espérait faire voler en éclats la social-démocratie a raté son coup : le petit royaume (4,8 millions d’habitants), qui n’avait jamais connu pareil traumatisme depuis le second conflit mondial, fait bloc pour défendre son modèle. Lors de la messe célébrée le 24 juillet à la mémoire des victimes, le roi Harald V, la reine Sonja, et Jens Stoltenberg, le Premier ministre travailliste, n’ont pu retenir leurs larmes, à l’instar de tout un peuple qui, après avoir cru à une attaque d’Al-Qaïda, a découvert avec sidération qu’un « Norvégien de souche » – dixit la police – était l’auteur de ce carnage.

Exterminator

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Troisième producteur mondial de pétrole, la prospère et pacifique Norvège, dont le nombre d’immigrés a doublé en dix ans (500 000, au total), est traversée par des courants xénophobes. Beaucoup ne sont que des nébuleuses. Mais le Parti du progrès, qui a recueilli plus de 20 % des voix aux législatives de 2005 et de 2009, est la deuxième formation du pays et le premier parti d’extrême droite d’Europe de l’Ouest. Breivik y a adhéré en 1999 et l’a quitté en 2006 parce qu’il trouvait ses dirigeants trop « politiquement corrects ». « Il s’est rendu compte qu’il ne parvenait pas à ses fins avec les instruments politiques traditionnels, il a donc eu recours à la violence », a expliqué son avocat.

Pour l’un de ses voisins, « la vision politique de Breivik n’est pas si spéciale, c’est une tendance en Norvège ». De là à rendre l’ensemble des partis de la droite populiste européenne moralement responsable de ce crime, il n’y a qu’un pas que certains socialistes (l’Espagnol Zapatero, le Français Manuel Valls) n’ont pas hésité à franchir. Lesdits partis crient évidemment au scandale et condamnent l’acte d’un psychopathe isolé. Une chose est sûre : l’exterminator aux yeux bleus est un rejeton des années Bush-Ben Laden.

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