Amina Kadri-Messaïd : « Les syndicats algériens sont dépassés »
Amina Kadri-Messaïd est sociologue au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), à l’Université Alger II. Elle fait le point sur la situation des syndicats en Algérie.
Jeune Afrique : Comment l’offre syndicale a-t-elle évolué en Algérie ?
Amina Kadri-Messaïd : La pluralité syndicale a été consacrée en 1990. À la même époque, le secteur public algérien licenciait 500 000 personnes pour appliquer les plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international. Il y a donc eu un espace pour le développement des syndicats autonomes au début des années 1990.
L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), de son côté, n’a pas su renouveler ses générations. Certaines de ses branches par secteur fonctionnent bien, mais elle a toujours un modèle centralisé peu dynamique.
Les syndicats parviennent-ils aujourd’hui à protéger les travailleurs ?
Leur efficacité est relative. La mobilisation des travailleurs est importante et les autorités prennent de plus en plus en compte les syndicats autonomes comme des acteurs incontournables. D’autant que la pression s’accentue pour que l’Algérie applique les conventions internationales qu’elle a signées. Les syndicats remportent des victoires, mais ils doivent consacrer du temps à défendre leur existence et le droit syndical lui-même.
Une société est un organisme toujours en mouvement, mais lent : l’agitation sociale de ces dernières années est un signe de dynamisme, dont les vrais résultats se verront sûrement plus précisément dans cinq ou dix ans. À cet égard, en Algérie, il est urgent de mener des études sur le syndicalisme, de faire un bilan après vingt ans et de créer un observatoire.
Poids et loi
• L’UGTA compte plus de 4 millions d’adhérents
• 58 syndicats autonomes sont reconnus
• Le pluralisme syndical et le droit de grève ont été autorisés par la loi du 2 juin 1990.
Le syndicat est-il encore un cadre de mobilisation pertinent pour les travailleurs ?
Les syndicats sont dépassés alors que la crise sociale a atteint son paroxysme. La multiplication des contrats de court terme a fait reculer la syndicalisation, dont on ne connaît pas le taux exact.
Dans une société précaire, en Algérie comme ailleurs, le rôle des syndicats est appelé à changer. Par ailleurs, 70 % des Algériens sont jeunes. Ils ont de l’énergie, mais ne se retrouvent pas dans les syndicats, qui doivent notamment se mettre à internet. En fait, il faudra réinventer les outils de mobilisation et savoir se placer loin des partis politiques, qui sont des structures elles aussi en crise.
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Propos recueillis à Alger par Constance Desloire
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