Le business florissant des tours télécoms
Soutenues par des fonds d’investissement, des sociétés spécialisées rachètent ces équipements aux opérateurs de téléphonie mobile pour les aider à être plus performants.
Télécoms : à la recherche de nouveaux revenus
Déjà mature aux États-Unis, en Europe ou en Inde, le tower sharing (« partage de tours ») désigne le partage par plusieurs opérateurs de leurs tours de télécommunications, le plus souvent sans frais, ou leur cession (vente ou location) à des entreprises spécialisées, les towercos (tower companies), chargées de louer les capacités ainsi acquises. Leur but : réduire leurs coûts et améliorer leurs services, notamment dans les zones rurales.
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Orange va (aussi) céder ses tours
Concurrence grandissante, coût de l’énergie ou besoins en infrastructures coûteuses et polluantes : divers facteurs poussent les opérateurs africains à accélérer un mouvement amorcé à la fin des années 2000. Rien qu’en 2013, ces ventes pourraient peser près de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros), selon l’institut de recherche britannique TMT Finance and Investment, qui table sur la cession de 15 000 à 20 000 tours au prix unitaire de 100 000 dollars. Le nigérian IHS, le plus grand gestionnaire de réseaux d’Afrique, estime à 10 milliards de dollars le potentiel du marché continental sur les trois prochaines années. La seule vente des tours de l’opérateur Bharti Airtel, annoncée depuis son arrivée en Afrique en 2010, pourrait lui rapporter 2 milliards de dollars.
Négociations
Les opérateurs de téléphonie mobile présents en Afrique disposent d’environ 75 000 tours, dont la moitié est détenue par MTN, Airtel, Orange, Vodafone et Etisalat. Il faudrait doubler leur nombre, à moyen terme, pour répondre à la demande. En avril dernier, Orange s’est illustré avec une importante transaction, dont le coût n’a pas été révélé. L’opérateur français a cédé pour quinze ans à IHS la gestion de plus de 2 000 tours en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Alors qu’il avait vendu 300 tours en Ouganda à Eaton Towers début 2012, il a préféré cette fois rester propriétaire de ses infrastructures. « Nous travaillons sur plusieurs appels d’offres de partage d’infrastructures passives [les équipements non électroniques, dont les plus importants sont les tours], notamment au Kenya, où nous sommes en négociations contractuelles, indique Fabrice André, directeur de la qualité et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie (Amea) chez Orange. Dans la plupart de ces opérations, nous ne vendons pas notre parc de tours. » Orange évite ainsi des démarches administratives complexes, et préfère bénéficier à long terme d’un loyer réduit plutôt que des ressources liées à la vente immédiate de ses tours. « Des ventes pourront toutefois se faire dans des cas spécifiques », précise Fabrice André.
L’activité de towerco est gourmande en capital, et chacun des grands acteurs (lire l’encadré) est soutenu par de puissants fonds d’investissement. D’après le quotidien britannique Financial Times, l’entreprise nigériane, qui avait levé 500 millions de dollars (capitaux et dette) en novembre dernier, serait en pourparlers pour obtenir 430 millions supplémentaires. La seule transaction avec Orange a permis à IHS d’augmenter de 30 % son portefeuille de tours exploitées. Celle-ci compte par ailleurs investir entre 130 millions et 150 millions de dollars en Côte d’Ivoire et au Cameroun. La concurrence, de son côté, pourra toujours racheter le réseau d’opérateurs secondaires.
Les towercos ont la capacité de réduire la facture énergétique et l’empreinte écologique
Fabrice André, Orange
Rentabilité
« D’une manière générale, les marchés d’Afrique subsaharienne peuvent supporter deux towercos, estime Charles Green, le PDG d’Helios Towers Africa. Or, au Ghana, en Ouganda ou en Afrique du Sud, il y en a déjà trois, voire quatre. Cela complique la structure concurrentielle, mais les towercos présents sur ces marchés ont de bons résultats grâce à la forte dynamique de croissance du secteur. » Sans communiquer les revenus de sa société, Charles Green, qui ambitionne de dépasser 5 000 tours en gestion avant la fin de l’année, contre 3 500 aujourd’hui, affirme que les activités de l’entreprise sont globalement rentables. Dans son rapport annuel, IHS indique que la marge brute d’exploitation a augmenté à un taux de croissance annuel moyen de 70 % ces cinq dernières années. « Notre chiffre d’affaires a franchi la barre des 100 millions de dollars en 2012 », ajoute William Saad, son directeur général.
Pour continuer de l’être, les gestionnaires d’infrastructures passives doivent particulièrement améliorer la consommation énergétique des sites. « Le fonctionnement des compagnies publiques d’électricité n’est pas stable et le coût de l’énergie fossile (diesel), utilisée aux pieds des tours pour produire l’énergie, est en forte augmentation, ce qui a un impact sur la disponibilité de nos réseaux, indique Fabrice André. Les towercos ont la capacité de mettre en place des dispositifs performants qui réduisent la facture énergétique et l’empreinte écologique. » D’après Orange, 80 % de la consommation de carburant du groupe en Afrique sont imputables aux tours, lesquelles ne contribuent qu’à hauteur de 10 % à ses revenus. IHS s’est engagé auprès de l’opérateur à réduire cette consommation de 70 % en utilisant des systèmes énergétiques hybrides (solaire, éolien, diesel). Helios Towers Africa a, de son côté, investi près de 40 millions de dollars dans la mise en oeuvre l’an dernier d’un tel système. L’initiative, primée aux AfricaCom Awards en novembre 2012, inclut également un système de surveillance des tours à distance, une activité dont le coût pèse également sur les towercos en Afrique.
Quatre leaders sur le continent
– Le nigérian IHS gère près de 8 250 tours (dont 3 000 construites) au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Soudan et au Soudan du Sud.
– L’américain American Tower gère près de 4 500 tours au Ghana, en Ouganda et en Afrique du Sud.
– Le britannique Helios Towers Africa gère près de 3 500 tours en Tanzanie, au Ghana et en RD Congo (sa société soeur Helios Towers Nigeria gère 1 000 tours).
– Le britannique Eaton Towers gère plus de 1 500 tours au Ghana, en Ouganda et en Afrique du Sud.
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