La victime, le bourreau et les médias

Publié le 1 août 2011 Lecture : 2 minutes.

Sommes-nous à ce point amnésiques pour ne retenir aucune leçon du passé ? Certes, de l’affaire Dreyfus au procès d’Outreau, en passant par les machinations contre Dominique Baudis ou Abdelaziz Bouteflika (qui, après la mort de Boumédiène, fut accusé de tous les maux avant d’être innocenté), le lynchage médiatico-judiciaire précipité a toujours existé. Mais le phénomène est aujourd’hui exacerbé par le Net et le sacro-saint «buzz ». Nul besoin de présenter une information fiable et nuancée : il suffit de tirer le premier,à boulets rouges de préférence, pour livrer un personnage public en pâture à ses lecteurs.

L’affaire DSK passionne les foules. Soit. Mais le traitement auquel ont droit ses protagonistes principaux, le violeur et la victime présumés, pose problème. Depuis le début de ce sordide feuilleton, le 14 mai, tout et son contraire a été dit et, surtout, écrit. Au gré du vent, des humeurs, des pseudo-révélations qui courent sur internet, des certitudes de chacun et des avis, forcément éclairés, de tous…

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Les tabloïds américains, mais pas seulement, s’en sont donné à coeur joie, lynchant un jour pour mieux innocenter le lendemain. DSK, ce « crapaud lubrique », était forcément coupable, et Nafissatou, réputée pieuse et sérieuse – enfin, au début –, ne pouvait être que la victime de cet horrible « perv ».Mais Nafissatou, comme des milliers d’autres demandeurs d’asile, africains ou non, amenti. Son histoire personnelle en Guinée, par exemple, n’a pas forcément été le cauchemar qu’elle a évoqué devant les autorités américaines pour obtenir le droit de vivre aux États-Unis. Aussitôt, la sainte est devenue une « pute », qui avait donc inventé de toutes pièces cette histoire de viol. DSK était sorti d’affaire, le procès n’aurait pas lieu. Ah bon? Alors, on ne protège que les gens « clean » ? Violer une femme de chambre qui a menti pour obtenir ses papiers et cultive certaines relations troubles est donc une peccadille ? Et tout le monde d’oublier que DSK, par le biais de ses avocats, a lui aussi menti en prétextant, dès son arrestation, que les faits qui lui étaient reprochés ne pouvaient être que mensongers puisqu’il disposait d’un alibi en béton – ce déjeuner avec sa fille à l’heure de la présumée agression –, avant d’admettre, contraint et forcé par les analyses ADN, une relation sexuelle consentie…

Jusqu’à l’écoeurement, nous aurons eu à subir les pires insanités. L’érotomane libertin serait en réalité un « sexopathe » compulsif. La femme de chambre aurait le sida et, comme elle est pauvre, elle aurait fait tout ça pour de l’argent. Bref, n’importe quoi. Corriger ses erreurs ? S’excuser ? Vous plaisantez ? Tiens, si mes souvenirs sont bons, Ben Ali était il y a quelques semaines dans le coma, mort peut-être. Une certitude confirmée de « bonne source » et reprise en boucle sur la Toile. Apparemment, personne ne s’étonne que l’ancien président tunisien n’ait toujours pas été mis en bière… Le public veut du sang, du sexe et des larmes. Le croit-on assez bête pour ne pas croire qu’il veuille, surtout, la vérité ?

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