Sénégal : Dakar se rêve en hub régional du tourisme d’affaires
Conférences, séminaires, foires… En matière d’événementiel à destination des professionnels, la capitale sénégalaise se rêve en hub régional. Mais le retour d’Abidjan dans la course pourrait fragiliser ses positions.
Pas une semaine ne passe sans que de nouvelles affiches annonçant des congrès ne soient placardées sur le bord des axes routiers de la capitale sénégalaise. Séminaires, colloques… Sur les façades des grands hôtels, on ne voit que ça. Et pour cause : Dakar veut se positionner comme un hub régional du tourisme d’affaires. Avec succès, semble-t-il : « C’est le segment qui connaît la plus forte croissance dans le pays. Entre 30 % et 35 % des investissements privés sont effectués dans ce secteur, et il y a encore de belles opportunités de développement », affirme Houma Mbaye Dia, responsable du marketing événementiel à l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix).
Tourisme balnéaire en baisse
Il s’agit pour le Sénégal de compenser la perte de vitesse du tourisme balnéaire de masse, notamment en Casamance. Et l’organisation de la Conférence islamique en 2008 (construction d’hôtels de luxe), le développement des infrastructures routières et le fait que Dakar ne soit qu’à cinq et sept heures de vol de l’Europe et des États-Unis, sont autant d’atouts pour la capitale. Frédéric Mariani, directeur commercial et marketing de l’hôtel Méridien Président, complète : « S’il y a une progression constante du tourisme d’affaires, c’est aussi parce qu’il y a ici beaucoup de représentations régionales : ONG, Nations unies, Commission européenne… »
Directrice de recherche d’Informa Telecoms & Media, une société d’études qui organise plus de 100 événements par an dans le monde, Julie Rey s’est laissée convaincre : « Le Sénégal s’est imposé car il possède un secteur télécoms dynamique qui compte dans la sous-région. Par ailleurs, le pays jouit d’une certaine stabilité économique et politique. Jusqu’à très récemment, on ne pouvait pas demander à nos clients de séjourner en Côte d’Ivoire. Et nous avons aussi constaté que les francophones d’Afrique de l’Ouest n’aiment pas spécialement se rendre au Nigeria, alors que le Sénégal est très apprécié. Des visiteurs n’hésitent pas à y séjourner quelques jours, avant ou après notre salon. »
Une offre limitée
Tout cela implique d’avoir des capacités d’accueil à la hauteur. Aujourd’hui, le Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) est, sur 56 000 m2, le haut lieu du monde des affaires à Dakar. C’est ici que se déroule l’essentiel des foires de produits internationaux (Mali, Turquie, Algérie, Maroc, Bénin, Égypte et bientôt Iran et Chine). En 2009, le Cices a ainsi accueilli 110 rencontres, contre 69 en 2005 (en 2010, le site a été utilisé pendant six mois pour le Festival mondial des arts nègres).
Du côté des hôtels, l’offre est plus limitée. « Seul le Méridien Président remplit nos exigences, car il possède à la fois un espace d’exposition et une grande salle de conférences… en plus de sa piscine et de sa vue sur l’océan, tranche Julie Rey. Mais cette année, j’ai constaté qu’il y avait plus de coupures de courant et de problèmes d’accès à internet que d’habitude. » Avec ses 5 000 m2 d’« espace conférence » et son amphithéâtre de 650 places, l’établissement possède la plus importante capacité d’accueil du secteur hôtelier dans le tourisme d’affaires : 90 % de sa clientèle est composée d’hommes et de femmes d’affaires. Ce chiffre est de 85 % pour le Terrou-Bi, autre hôtel de luxe, situé sur la Corniche, qui peut accueillir jusqu’à 350 personnes pour des séminaires. « Plus il y aura d’infrastructures – hôtels, routes, Palais des congrès, aéroports –, plus la demande deviendra importante », estime Samir Rahal, le directeur général.
La ville devrait bientôt s’enrichir de trios ou quatre nouveaux hôtels de luxe.
De fait, d’ici à 2013, Dakar devrait s’enrichir de trois ou quatre nouveaux hôtels de luxe, en plus des sept existant déjà (quatre et cinq étoiles). « Nous travaillons à ce que l’offre soit aux standards internationaux. Depuis 2006, nous contrôlons régulièrement les hôtels et formons le personnel », rappelle Amdy Sene, directeur de la réglementation et de l’encadrement touristique au ministère du Tourisme. Même discours du côté du Syndicat patronal de l’industrie hôtelière : « Il faut renforcer la professionnalisation des métiers du tourisme. Dans quelques mois, un centre de formation, en partenariat public-privé, ouvrira pour former les professionnels déjà en exercice », annonce Moustapha Kane, le secrétaire permanent.
C’est une évidence : le pays a marqué des points. Mais il n’est pas parvenu à distancer suffisamment ses principaux concurrents. Le retour au calme à Abidjan pourrait très vite donner lieu à un match entre les deux métropoles, surtout si le climat se dégrade à Dakar, avec un président, Abdoulaye Wade, de plus en plus contesté par la rue. « Aller en Côte d’Ivoire pourrait nous intéresser si la situation est calme. Cela nous permettrait de renouveler notre audience en nous ouvrant à un nouveau marché », affirme Julie Rey. Business is business…
Décoration, restauration, accueil…
« Les entreprises peuvent mettre de 15 000 à 30 000 euros pour un événement ponctuel. Pour le lancement du 4×4 Prado de Toyota, nous avons ainsi créé un village des Mille et Une Nuits, avec des petites dunes et des chameaux », explique Jamal Karrit, directeur général de Boost (décoration, lumière, sono, restauration…). Chez Sénégal Bâches, leader de la location de tentes, de chaises, de climatisation, de tapis, etc., le chiffre d’affaires a augmenté de 20 % à 25 % depuis 2004. Celui de l’agence Neptune, qui propose des hôtes et hôtesses d’accueil, a été multiplié par dix depuis 2006. Mais rien n’est acquis. « Trop d’agences se sont montées pour un événement… puis ont disparu », souligne Thierry Dacosta, manager de Neptune.
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