Algérie – France : plus de raison, moins de passion…
Depuis deux mois, le rythme des visites en Algérie de ministres et de proches du président français s’accélère. Pragmatisme ponctuel ou entente cordiale au long cours ? Telle est la question.
Multiplication de visites officielles des deux côtés de la Méditerranée, avancées notables sur les dossiers économiques, dialogue politique quasi permanent via des échanges téléphoniques réguliers entre Nicolas Sarkozy et Abdelaziz Bouteflika ou entre leurs chefs de la diplomatie… Les deux pays semblent vivre, enfin, un « véritable printemps franco-algérien », selon la formule du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, à l’issue de sa visite en Algérie, les 15 et 16 juin.
Proximité de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance (le 5 juillet 2012) ou effet des révolutions arabes ? « C’est surtout plus de pragmatisme, explique Mourad Medelci, chef de la diplomatie algérienne, en mettant plus de raison que de passion dans nos relations. » Au soir de sa visite marathon à Alger, le 11 juillet, Jean-François Copé, le secrétaire général de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), a suggéré un autre motif, tout aussi pragmatique : « Les deux pays s’apprêtent à vivre en 2012 une année électorale [présidentielle en France, législatives en Algérie, NDLR] et qui ne sera pas facile. »
Les émissaires de Sarko à Boutef
29 au 31 mai : Jean-Pierre Raffarin, sénateur, Pierre Lellouche, secrétaire d’État au Commerce extérieur.
15 et 16 juin : Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères
6 juillet : Christian Poncelet, ancien président du Sénat
11 juillet : Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP
Pour mieux mesurer ce pragmatisme, on peut méditer sur le fait qu’il aura fallu près d’un demi-siècle d’indépendance pour qu’un Premier ministre algérien consente à répondre à une invitation à déjeuner dans la résidence de l’ambassadeur de France, à El-Biar, sur les hauteurs d’Alger. C’était le 31 mai dernier, à l’issue du forum d’affaires algéro-français, une rencontre économique copilotée par l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin et par le ministre algérien de l’Industrie, Mohamed Benmeradi. Les deux hommes avaient été chargés par leurs patrons respectifs de faire avancer les dossiers économiques en suspens. Sur les douze projets en souffrance, neuf ont été débloqués. Parmi ces derniers, citons ceux du groupe français Alstom (qui produira, dès 2013, à Annaba, les rames de tramway qui devront circuler dans quatorze agglomérations algériennes d’ici à cinq ans), de la Régie autonome des transports parisiens (qui s’est dotée d’une filiale algérienne, RATP El Djazaïr, pour exploiter, à partir de novembre, le métro d’Alger) ou encore celui de l’installation de l’assureur AXA sur le marché algérien.
Le partenariat d’exception voulu par Nicolas Sarkozy est donc en marche, du moins dans sa dimension économique, et la France consolide sa place de premier fournisseur du marché algérien. Mais qu’en est-il sur le plan politique ?
Amitiés socialistes
La gauche française s’intéresse, elle aussi, à l’Algérie. Après Dominique Strauss-Kahn, les 3 et 4 novembre 2010, quand il était encore directeur général du FMI et sérieux prétendant à l’investiture du Parti socialiste (PS), Alger a vu défiler deux candidats à la primaire du PS : Manuel Valls, fin novembre, et François Hollande, début décembre. Enfin, le sénateur Jean-Pierre Chevènement, président de l’Association France-Algérie (AFA), est venu du 18 au 22 juin pour une nouvelle visite officielle (après celle de septembre 2010). Il a été reçu par Abdelaziz Bouteflika, avec qui il a, dit-il, « une relation personnelle ancienne ».
Divergences durables.
L’option « pragmatisme » impose à Alger et à Paris de ne plus occulter les questions qui fâchent, celles qu’un diplomate algérien appelle « les divergences durables » : Sahara occidental, intervention de l’Otan en Libye, Proche-Orient, Union pour la Méditerranée, etc. Ces questions sont abordées avec plus de sérénité. En revanche, les questions mémorielles ne figurent pas à l’ordre du jour. Dès qu’ils foulent le tarmac de l’aéroport d’Alger (géré par le français Aéroports de Paris), les émissaires français affirment « être venus pour parler d’avenir plutôt que de passé ». Alain Juppé le répétera, le 16 juin, à Oran devant des étudiants de Sciences Po venus assister à sa conférence au Centre culturel français. À ceux qui, en Algérie, militent pour obtenir la criminalisation du colonialisme, Alain Juppé rappelle que Nicolas Sarkozy avait reconnu, en juillet 2007, à Constantine, le caractère injuste de la colonisation.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Le livre « Algérie juive » soulève une tempête dans le pays
- Maroc-Algérie : que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron ?
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- En Algérie, le ministre Ali Aoun affaibli après l’arrestation de son fils pour cor...
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police