Les championnats du monde de Hammam

Un ami revenant de Finlande – le pays des mille lacs et des mille milliards de moustiques – m’a dit qu’il avait regardé, à la télévision, les épreuves du Championnat du monde de sauna.

Étonnant, non ?

Les Finlandais sont très fiers de leurs saunas. Ils prétendent même avoir inventé la chose – on ne va pas chicaner, mais il semble quand même que les Romains se prélassaient dans leurs thermes à l’époque où les Finlandais chassaient encore le mammouth à mains nues…

Bref, le Championnat du monde de sauna – « du monde ! » –, cela me semble étrange. On voit mal les Saoudiens, qui vivent dans un pays où il fait 50 °C toute l’année, présenter des spécialistes du sauna. Si encore il s’agissait de championnats du monde d’air conditionné ou de bris de calotte polaire…

Vous me dites : « Mais ils font quoi, les athlètes, pendant cette World Championship of ze Sauna ? » Eh bien, je n’en sais pas plus que vous. Tout cela est très flou, très embué, on n’y voit rien, on n’y comprend rien. Toutefois, il semble que l’enjeu, pour des professionnels qui s’entraînent toute l’année, c’est rester le plus longtemps possible dans un sauna poussé à des températures épouvantables. Il y a peut-être aussi des épreuves de flagellation avec des branches d’eucalyptus, des luttes libres dans le cagibi, des courses tout nu dans la neige puis, finalement, on ne voit plus très bien quoi ajouter. Que peut-on faire dans un cube aussi exigu que surchauffé ? Reproduire l’enfer en miniature ? Jongler ?

Mais tout cela m’a donné une idée pour accroître le flux des touristes en direction de nos pays du Maghreb, qui en ont bien besoin. Pourquoi ne pas inventer des championnats du monde de hammam ? Après tout, nos hammams n’ont rien à envier aux saunas des Finlandais. D’autant qu’ils sont plus spacieux, qu’on peut y dresser des tribunes pour les spectateurs et disposer des caméras partout, pour ne rien perdre de l’action.

« Quelle action ? » demandez-vous.

Eh bien, je ne sais pas, moi ! Il faudra inventer des épreuves. Par exemple, la course dans le hammam avec un seau d’eau dans chaque main. Ce n’est pas facile : il faut garder l’équilibre, éviter de glisser sur les flaques d’eau traîtresses et déjouer les croche-pieds de concurrents indélicats. Il y aurait aussi l’épreuve du takassul, le massage spécial des hammams maghrébins. Le kassal qui martyrise le plus de clients en une heure a gagné – leurs hurlements faisant foi. On peut aussi envisager des épreuves d’endurance : celui qui supporte le plus longtemps le bavardage insipide des autres usagers du hammam est proclamé champion du monde. Des épreuves de jet de savons et de vol de serviettes sont aussi à considérer.

Si notre suggestion était adoptée, elle présenterait un avantage connexe : le titre de champion du monde ne pourrait pas nous échapper. Je vois mal le Brésil ou l’Allemagne battre nos formidables harpies qui passent leur vie à cancaner dans le hammam…