Mehdi Houas : « Notre plus lourd handicap est d’avoir bradé la destination »

S’il espère que la publicité fera revenir les vacanciers, le ministre du Commerce et du Tourisme sait qu’elle ne suffira pas à sortir le secteur d’un marasme dont l’origine est loin d’être nouvelle. Entretien.

Publié le 27 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

Tunisie : Six mois après… La révolution continue
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Tunisie : Six mois après… La révolution continue

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Jeune Afrique : L’un des premiers contrecoups de la révolution dans l’économie est la chute de la fréquentation touristique. Dans quelles proportions ?

Mehdi Houas : Avec une révolution, il est normal que le tourisme soit touché, d’autant que le secteur était déjà défaillant. De janvier à mars, les réservations ont chuté. Cela tient à la typologie de notre clientèle : des familles, qui souhaitent des vacances tranquilles, organisées longtemps à l’avance.

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Une révolution contre les inégalités, qui plus est pacifique et rapide, crée tout de même un facteur sympathie. Aussi, depuis avril, avec les campagnes de promotion qui ont été lancées, une clientèle de dernière minute s’est manifestée. Alors que, compte tenu de l’instabilité locale et du conflit en Libye, la chute du taux d’activité était estimée à 80 %, elle s’est finalement stabilisée à – 50 % en mai et juin, par rapport à la même période en 2010. L’objectif est de la ramener à – 40 %.

Le secteur est-il le seul dans ce cas ?

Si le tourisme avait été en bonne santé, l’impact aurait été mineur. Le textile réalise 19 % de mieux que l’année dernière [en termes de chiffre d’affaires, NDLR], le secteur s’est consolidé en laissant derrière lui la crise mondiale, et la révolution n’y a pas eu d’effets négatifs. Il en est de même pour les industries mécaniques. Le tourisme, lui, fonctionne à l’envers, il génère moins de richesses qu’il n’en consomme, notamment parce qu’il ne maîtrise pas les tour-opérateurs.

Les secteurs du commerce, de l’artisanat et du tourisme emploient chacun 350 000 personnes environ, soit un tiers de la population active à eux trois, et devraient réaliser un tiers du PIB.

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On constate qu’avec 11 % du PIB le commerce est dans la course, alors que le tourisme, avec 7 %, et l’artisanat, avec 4 %, sont en deçà des performances attendues.

Quels sont les principaux problèmes du tourisme tunisien ?

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Le plus lourd handicap est que notre produit est bradé. Nous enregistrons 7 millions d’entrées, qui représentent 1,8 milliard d’euros de recettes, là où le Maroc récolte 4,96 milliards d’euros pour 9,3 millions d’entrées… Nous n’avons pas su baser le secteur sur les richesses du pays. On ne fait pas du tourisme, on fait de l’hôtellerie. L’hébergement, de qualité inégale, n’est pas assez diversifié, la dépendance aux tour-opérateurs conduit à une politique de prix bradés, avec un produit qui reste ciblé sur le balnéaire.

Comment faire redécoller l’activité ?

En faisant du tourisme. L’Organisation mondiale du tourisme prévoit une augmentation de 4 % à 5 % pour le secteur, et il n’y a pas de raisons de ne pas croître à la vitesse du marché. La Tunisie a des atouts inexploités : il faut créer des axes de développement à partir des richesses du pays et en valoriser les potentialités. Par exemple, les îles Kerkennah sont idéales pour un tourisme écologique et pourraient devenir les Seychelles de la Méditerranée. Les régions du Nord-Ouest, totalement méconnues, sont splendides pour les randonnées et le tourisme culturel. Nos sites archéologiques offrent aussi de multiples possibilités, tout comme les créneaux du tourisme sportif ou des maisons d’hôtes. Autant de niches appréciées par une clientèle individuelle que motivera la mise en place d’Open Sky [libéralisation du transport aérien, NDLR].

Vos prévisions ?

Après avoir touché le fond, on ne peut que repartir. Et, donc, être optimistes. Nous avons un potentiel énorme, jusqu’à présent inexploité. Pour le valoriser, le partenariat public-privé doit jouer un rôle moteur. Pour cette année, tout n’est pas dit, la saison se transformera peut-être en été indien. 

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