Difficile d’apprivoiser l’indépendance

Formatés par des années de langue de bois, les journalistes font l’expérience de la liberté. Avec les moyens du bord. Et sans qu’un consensus ait été trouvé sur la révision du code de la presse.

Publié le 27 juillet 2011 Lecture : 2 minutes.

Tunisie : Six mois après… La révolution continue
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Tunisie : Six mois après… La révolution continue

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Débarrassée de la tutelle et de la corruption exercées par le pouvoir via des institutions aujourd’hui dissoutes, la presse écrite, radio et télévisée semble avoir opéré un changement à vue, avec les moyens du bord, éprouvant sa liberté toute neuve. Confrontés à la fois à la méfiance et aux exigences du public, à celles de la corporation, ainsi qu’à des revendications syndicales, les médias ont aussi dû faire face à des conditions financières difficiles.

À défaut de réformes de fond, ils ont pour l’heure paré au plus pressé, sans toujours faire preuve d’une réelle indépendance. En fait, « le paysage médiatique, avec ses critères d’allégeance, n’a pas changé », explique Larbi Chouikha, professeur à l’Institut de presse et des sciences de l’information, à Tunis. User de la liberté d’expression se révèle difficile quand les organigrammes comportent encore des figures proches de l’ancien régime et que les vieux réflexes persistent. Acte symbolique, le Syndicat national des journalistes tunisiens compte dresser une « liste noire » de ceux qui étaient au service de Ben Ali.

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Les médias sont aussi confrontés à une insuffisance de moyens humains et techniques. Après avoir ébauché une restructuration, la chaîne publique Al Wataniya a fait appel aux conseils de France Télévisions. Aujourd’hui, son journal télévisé est une version à la tunisienne de celui de France 24. Les canaux privés – pour la plupart propriété de proches du clan Ben Ali-Trabelsi –, dépendant de la publicité, sont menacés par la baisse des investissements dans ce domaine, due à une conjoncture difficile mais aussi au manque de fiabilité des mesures d’audience.

Pour sortir de l’ornière, les radios et télévisions misent sur la programmation, quitte à faire dans le populisme, et sur la capacité de nouveaux journalistes vedettes à fidéliser un public.

Un ton et des fonds

La presse écrite traverse quant à elle une période ambiguë. Elle n’a jamais été aussi mal en point, mais n’a jamais eu autant de lecteurs. Les 10 quotidiens et 41 hebdomadaires tunisiens désormais autorisés par le ministère de l’Intérieur, au contenu de qualité inégale, cherchent un ton et des fonds.

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De leur côté, les journalistes, à travers leur nouveau syndicat indépendant (qui a élu son bureau début juin), entendent moraliser le métier, défendre leurs acquis face au syndicat des patrons de presse et, surtout, rester vigilants sur les projets de révision du code de la presse. Les deux premiers textes élaborés par une sous-commission de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ont été rejetés, fin mars et fin juin, par les journalistes, magistrats et avocats auxquels ils ont été soumis. Ceux-ci l’ont jugé trop proche du code en vigueur (dont il reprend notamment la formule « est puni celui qui… ») et plus répressif qu’éthique.

« Aujourd’hui, on veut tout. De la transparence, de l’information, de l’actualité, mais aussi des débats et des divertissements qui portent l’identité tunisienne », explique Ali, de Radio Gafsa. Des médias tournés vers les régions, avec douze nouvelles fréquences radio et un projet de six chaînes publiques en septembre, devraient répondre à la demande de diversité des Tunisiens. Mais le défi et la priorité pour le secteur c’est de faire rapidement son apprentissage pour accompagner le pluralisme politique et l’échéance électorale d’octobre

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