Égypte : entre anciens et modernes, rien de commun

C’est un nouveau-né sur la scène politique, mais sa réputation n’est déjà plus à faire. Créé le 21 juin, le Courant égyptien (Hizb al-Tayyar al-Masry) compte parmi ses fondateurs plusieurs jeunes figures des Frères musulmans, parmi lesquelles Islam Lotfy, intronisé secrétaire général, ou encore Mohamed el-Qassass, connu pour ses critiques à l’encontre de la confrérie.

La réaction de cette dernière, qui a elle-même créé sa formation politique en mai, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), ne s’est pas fait attendre. Elle avait déjà exclu le réformateur Abdel Moneim Aboul Foutouh pour avoir maintenu sa candidature à la présidentielle prévue en fin d’année. Elle n’a pas hésité à renvoyer de sa permanence du gouvernorat de Gizeh (centre) cinq membres impliqués dans la création du Courant égyptien.

Le nouveau parti voit en l’islam un référent culturel. « Nous sommes attachés à notre identité arabo-islamique, mais cela n’a rien à voir avec les politiques que nous allons mener. Cet attachement est civilisationnel », insiste Islam Lotfy, qui refuse de voir le Courant égyptien assimilé à la puissante confrérie ou à son parti. « Pourquoi toujours nous parler de nos rapports avec le PLJ et pas de nos liens avec les autres partis ? » interroge-t-il.

Amalgame

Alors que le mouvement dit aspirer à la construction d’un État démocratique et à la mise en place d’une économie libérale, tempérée par un impératif de justice sociale, une seule chose, en effet, mobilise les médias égyptiens : ses liens avec les Frères musulmans. « La presse véhicule l’idée que nous sommes “le parti des jeunes Frères”. C’est faux. Moi-même je n’en suis pas un », explique Abdel Rahman el-Zarimi, membre de la direction temporaire. Depuis sa création, le Courant égyptien est considéré comme un parti de jeunes dissidents qui auraient décidé de quitter une confrérie âgée, peu encline à les écouter et encore moins à leur donner des responsabilités. Les cadres du PLJ ont été choisis par le bureau de guidance de la confrérie, alors qu’il était initialement prévu d’organiser des élections. Mais le processus aurait pris des semaines, a-t-on répondu aux jeunes.

Chiens de faïence

Au sein du Courant égyptien, l’amalgame fâche. Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas se joindre au PLJ, Islam Lotfy répond sobrement « qu’aucun des partis déjà existants ne [lui] semblait en mesure de répondre aux attentes de la révolution et de mener à bien ses objectifs ».

Du côté des Frères musulmans, le sujet est tout aussi sensible. « Six ou sept membres font l’objet d’une enquête. Aucune décision n’a été prise à leur sujet », risque Essam al-Erian, l’un des cadres du PLJ. Le porte-parole de la confrérie, Mahmoud Ghozlan, est plus éloquent : « La confrérie a un parti politique qui porte son message et son programme. Il n’est pas possible à ses membres de se joindre à d’autres partis. » Et quand on évoque une proximité trop grande entre la confrérie et le PLJ qui aurait poussé au départ de jeunes dissidents, le ton devient cassant : « Je fais partie de la direction de la confrérie et j’apprends les nouvelles du parti par la presse. S’ils avaient rejoint le PLJ, ils n’auraient pas eu de postes importants, c’est pour cela qu’ils ont fondé leur propre parti. »

La direction du Courant égyptien souhaite en tout cas tourner la page. « Il faut arrêter de nous parler des Frères musulmans, prie Islam Lotfy. Nous sommes un nouveau parti, nous nous concentrons sur notre développement. »