Côte d’Ivoire : Mamadou Koulibaly, le franc tireur

Le président par intérim du Front populaire ivoirien claque la porte pour créer sa propre formation. Une décision tardive, après des années de coups d’éclat et de relations tendues avec Laurent Gbagbo.

Le président de l’Assemblée nationale fonde le Lider. © Olivier pour J.A.

Le président de l’Assemblée nationale fonde le Lider. © Olivier pour J.A.

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Publié le 19 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

« Le spleen de Koulibaly. » Ainsi pourrait s’intituler la biographie de celui qui préside l’Assemblée nationale depuis janvier 2001 et qui était, récemment encore, le président par intérim du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo). C’est un fait : Mamadou Koulibaly ne s’y sentait plus chez lui depuis 2003. Mais ce n’est que ce 11 juillet, après moult couleuvres avalées et contradictions – plus ou moins – occultées, que le professeur d’économie a rompu les amarres. « Mon engagement au sein du FPI étant allé jusqu’à l’épuisement de toutes les possibilités compatibles avec mes convictions, j’ai décidé d’y mettre un terme », a-t-il déclaré en en annonçant la création de son propre parti, Liberté et démocratie pour la République (Lider).

« Comment a-t-il pu tenir tout ce temps, alors qu’il ne partageait plus depuis longtemps la même vision que la majorité des responsables du FPI ? », s’interroge un analyste. En juin, dans les colonnes de J.A., Koulibaly marquait sa déception : « Lorsque nous étions dans l’opposition, on rêvait d’une nouvelle Côte d’Ivoire et on déplaçait des montagnes. Dix ans plus tard, nous étions pleins de fric. »

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Mais le quinquagénaire n’était pas à une contradiction près. Ni à une controverse. En mai 2000, alors qu’il clame son aversion pour les coups de force, il accepte le poste de ministre de l’Économie et des Finances que lui confie le général putschiste Robert Guéï. Élu en décembre 2000 député du FPI, parti socialiste, il affiche son libéralisme. En janvier 2003, bien que partisan d’une solution radicale contre les insurgés du 19 septembre 2002, il est à la table ronde de Linas-Marcoussis. Avant de claquer la porte en dénonçant « une tentative de coup d’État constitutionnel de la France ».

Boulets rouges

Novembre 2004 : l’armée française, piégée à l’Hôtel Ivoire, tire à balles réelles sur des manifestants. « Le Vietnam ne sera rien par rapport à ce que nous allons faire ici », promet Koulibaly. Mais le lendemain, il apparaît aux côtés des généraux français et ivoirien et négocie des patrouilles mixtes. Laurent Gbagbo soupçonne derrière cette initiative une tentative de putsch en faveur de son chef d’état-major, le général Doué. Les relations entre les deux hommes forts du pays deviennent aussi exécrables qu’hypocrites. « MK » passe subtilement à l’offensive. Il enchaîne les diatribes contre les rebelles, décoche ses flèches sur la « France coloniale », mais aussi, et surtout, tire à boulets rouges sur le camp Gbagbo. « Koulibaly se comportait comme un rebelle au FPI, commente un responsable du parti. Son départ ne nous surprend guère. Il travaillait pour l’adversaire. »

Lors des derniers temps du régime Gbagbo, le président de l’Assemblée nationale fait l’école buissonnière, multipliant les séjours à Accra… Et lors de la campagne présidentielle, il se distingue par son engagement pour le moins timide. Après le putsch électoral de décembre, Koulibaly ne se montre pas à la cérémonie d’investiture de Laurent Gbagbo. Quelques heures après sa chute, le 11 avril, il apparaît en revanche au Golf Hôtel et se fait recevoir par Alassane Ouattara. À l’époque, il affiche son ambition : « La priorité, c’est de refaire du FPI un grand parti d’opposition. » Manifestement, il n’a pas réussi à convaincre les irréductibles refondateurs de jouer sans Gbagbo.

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Avec son nouveau parti, Mamadou Koulibaly compte mener une « opposition forte pour freiner l’oppression d’un pouvoir présidentialiste absolu ». Alors, enfin libre de faire de la politique comme il l’a toujours souhaité ?

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André Silver Konan, à Abidjan

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