Crime de lèse-président

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 15 juillet 2011 Lecture : 2 minutes.

Comme moi, vous avez vu sur vos chaînes de télévision les images d’une scène inédite, le 30 juin dernier, à Brax, dans le sud-ouest de la France. Si cela vous a échappé, je vous rappelle les faits. Ce jour-là, le président français, Nicolas Sarkozy, prend un bain de foule. De sa démarche inimitable, un sourire de circonstance sur les lèvres, il serre des mains gourmandes. Chacun veut le toucher, des fois que cela porterait bonheur. Sarkozy est en train de goûter aux délices du pouvoir lorsque, soudain, un énergumène allonge le bras et l’agrippe à la veste. Stupeur. Sarkozy esquisse un mouvement vers l’arrière pour se libérer. Il n’a pas le temps de servir une de ces répliques dont il a le secret : « Casse-toi, pauv’ con ! », ou « Viens ici, si t’es un homme ! »

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L’agresseur est ensuite maîtrisé par des policiers en civil chargés de la sécurité présidentielle, avant d’être conduit à un poste de gendarmerie. Le 1er juillet, le tribunal condamne Hermann Fuster, c’est son nom, agent municipal de son état, à six mois de prison avec sursis. 

De cet incident, je retiens quelques éléments : policiers, gendarmerie, procureur, jugement, condamnation. Et je me permets quelques comparaisons avec nos États africains. La protection du président français n’est pas assurée par tout un bataillon de l’armée composé de bérets rouges armés jusqu’aux dents (les dents peuvent servir, en cas de besoin), prêts à canarder le moindre suspect. Hermann Fuster n’a pas été enfermé dans un sordide cachot des services de renseignements. Il a plutôt été placé en garde à vue à la gendarmerie. Jugé en vertu de la loi, il a été condamné avec sursis, avant de sortir libre et vivant du tribunal.

Revenons au XXe siècle. Imaginons cet incident dans l’Ouganda du maréchal Idi Amin Dada. L’ancien champion de boxe aurait foncé tel un rhinocéros sur l’importun, le transformant en bouillie sanguinolente. Sa garde aurait tiré sans discernement sur la foule, envoyant ad patres des innocents. Et si c’était sous le règne de Bokassa Ier, empereur de Centrafrique ? Il aurait utilisé sa canne pour corriger l’auteur de ce crime de lèse-majesté.

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Vous me direz : « Pourquoi parler de morts alors que les vivants ne brillent pas par leur respect des droits de leurs peuples ? » Vous avez raison. Mais ces deux-là ont symbolisé jusqu’à l’absurde la violence d’État. Pour revenir au présent, vous avez tous en mémoire ce qui s’est passé à Kinshasa en octobre 2010. Un jeune homme téméraire, Armand Tungulu, avait lancé quelques cailloux sur le convoi du président congolais, Joseph Kabila. Arrêté, il n’a pas été remis à un juge, mais aux services secrets, qui l’ont enfermé dans leurs geôles jusqu’à ce que le pouvoir annonce son suicide. Mêmes les ânes n’y ont pas cru. Question : le geste de ce monsieur méritait-il ce qui ressemble bien à une exécution extrajudiciaire ? Dans nos pays, hélas, les chefs d’État se sont arrogé le droit de vie et de mort sur les citoyens. Or la démocratie commence par le respect des droits de chacun, qu’il soit innocent ou coupable. Un État a des lois : c’est le contraire d’une jungle où le lion dévore qui il veut. 

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