Égypte : Rim Maguid, génération révolution
Depuis la chute de Moubarak, la présentatrice d’un talk-show politique égyptien fait parler d’elle. Portrait d’une journaliste engagée.
Dans la vie, elle est comme à la télé : naturelle. Un visage souriant, parsemé de taches de rousseurs. Des yeux pleins de vie. Un rire communicatif. En vraie méditerranéenne qui se respecte, elle parle avec les mains, avec force et conviction.
Depuis 2009, Rim Maguid présente Baladna Bel Masry (« notre pays », en égyptien), où elle débat avec ses invités de l’actualité politique, économique et sociale du pays. Il y a quelques semaines, la présentatrice a suscité la polémique en critiquant la décision de la télévision publique de censurer les scènes de baisers des films. Quand on lui en parle, son visage s’assombrit. « Je ne veux pas que l’Égypte devienne l’Iran ou l’Afghanistan. Nous avons été élevés en regardant ce genre de films », martèle-t-elle.
Certains lui reprochent également d’imposer son opinion au téléspectateur. Une critique qu’elle assume totalement. Si elle reconnaît que « les médias ne doivent pas diriger l’opinion publique », elle reste persuadée que « les gens doivent avoir des avis tranchés. L’heure n’est pas à l’ambiguïté ». Des convictions qui font qu’elle a activement participé à la révolution. « J’ai vécu les dix-huit jours les plus beaux et les plus difficiles de ma vie, confesse-t-elle rayonnante. Je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai ressenti : de l’enthousiasme, de la peur, de la joie. »
Au début, Rim Maguid continue à présenter son émission, car rares sont ceux qui, dans les médias, contredisent le discours officiel. Mais, quelques jours avant la démission de l’ancien dictateur, elle demande un congé. « J’ai senti que je ne pouvais plus être objective », avoue-t-elle. Avant le 25 janvier, elle avait perdu tout espoir : « J’avais l’impression que ce que je faisais était inutile. » Mais aujourd’hui, s’enthousiasme-t-elle, « nous devons faire tout notre possible pour participer au développement de l’Égypte ». C’est la tâche qu’elle s’est assignée avec Baladna Bel Masry.
Cette fille d’ingénieur aurait pu suivre la voie de son père. Ou travailler dans les relations publiques. Mais elle a fini par découvrir sa vocation de journaliste à la faculté de communication et des médias du Caire. Et a intégré, en 1995, une chaîne de télévision publique où elle présentait les informations en français, avant de se lancer en 2007 dans la réalisation de documentaires pour Al-Jazira. En 2008, elle a rejoint la chaîne privée ONTV, dont le propriétaire n’est autre que l’homme d’affaires Naguib Sawiris. « Je suis très attachée à ONTV. Ils ont parié sur moi à une époque où je n’étais pas célèbre », explique-t-elle reconnaissante.
Esprit d’équipe
Modeste, Rim Maguid attribue la réussite de son émission à l’esprit d’équipe de tous ceux qui l’entourent et qui travaillent avec elle. Mais ce succès vient aussi du fait que Baladna Bel Masry n’a jamais hésité à franchir certaines lignes rouges. « Nous invitions aussi bien les intellectuels libéraux que les Frères musulmans à l’époque où les premiers n’arrivaient pas à se faire entendre et où les seconds étaient réprimés », rappelle-t-elle avec fierté.
Ce qui différencie la journaliste des autres présentateurs de talk-shows, c’est surtout son discours, ponctué d’expressions et de dictons populaires typiquement égyptiens hérités de ses grands-mères. « Un jour, ma mère m’a appelée pour me demander si j’étais sûre que les gens me comprenaient », se souvient-elle en riant.
À 37 ans, Rim Maguid n’est peut-être pas la plus grande star de la télé égyptienne, mais elle est indéniablement une étoile montante du petit écran. « Quand j’étais petite, on me présentait en mentionnant le nom de mon père. Un jour, il était avec un ami qui l’a présenté à son petit-fils en lui disant : “C’est le papa de Rim !” »
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