France – Sénégal : Sylvère-Henry Cissé, tête de pont

Après des débuts à la radio, ce grand Sénégalais de 1,98 m officie désormais à la télévision. Avec ses vingt-cinq années d’expérience journalistique, il fait figure de précurseur.

L’hyperactif, obamaniaque et défenseur de la diversité Sylvère-Henry Cissé. © Canal plus

L’hyperactif, obamaniaque et défenseur de la diversité Sylvère-Henry Cissé. © Canal plus

Clarisse

Publié le 26 juillet 2011 Lecture : 4 minutes.

De ses bras gigantesques, il entoure les épaules de son fils, « un joli métis de 10 ans », qu’il conduit à grandes enjambées chez le pédiatre. Rythme habituel pour ce grand gaillard divorcé de 1,98 m qui se définit comme un sportif du dimanche ? Peut-être. Mais là, il accuse un retard d’une heure : volubile, il n’a pas vu le temps passer en racontant ses mille et une vies de journaliste touche-à-tout qui affiche plus de vingt-cinq années d’expérience au compteur. Aujourd’hui, à bientôt 50 ans, Sylvère-Henry Cissé présente Le Journal du sport depuis 2007 dans La Matinale, talk-show de la chaîne française Canal+, sa seconde famille. Ce n’était pas gagné pour ce Sénégalais d’origine, piqué par le virus de la radio à un moment où l’audiovisuel français s’apparentait à une citadelle imprenable pour les Africains. « J’ai vu des portes me claquer au nez, lu la surprise sur les visages lorsque je me présentais comme producteur. » De pigiste à producteur, d’animateur à rédacteur en chef, son parcours est fait d’errements maîtrisés entre amateurisme et professionnalisme, la passion du métier étant le seul pont qu’il s’autorise à jeter entre ces deux rives.

Dans un grand éclat de rire communicatif, il évoque son premier contact avec un micro, à l’éclosion des radios libres, dans les années 1980, grâce à un copain qui lui confie une chronique cinéma sur Micro média 90 et sur Tubes FM, à Saint-Quentin. Une révélation pour cet élève moyen qui s’ennuie sur les bancs de la fac. Respectueux de ses décisions mais dubitatif, son père, militaire de carrière, le voit tout plaquer pour se lancer à corps perdu dans la création de radios. La tête en arrière, Sylvère-Henry Cissé savoure le souvenir de ses escapades italiennes, à la recherche d’émetteurs pour des stations qui n’avaient pas d’existence légale. « C’était un grand n’importe quoi fort plaisant et qui a duré trois ans », se marre-t-il. Le temps de réaliser qu’il perdait beaucoup d’argent… Il tente de retourner à l’université, « mais en pure perte : la mayonnaise ne prenait pas ». Puis il envoie des maquettes tous azimuts. Son premier vrai job, c’est en 1984, à Lille, à Radio Temps libre, propriété du publicitaire Jacques Séguéla (600 francs mensuels de salaire : « Une fortune pour un célibataire soucieux de faire la fête. »). Ce dernier l’encense, avant de le licencier pour lancer Hit FM, « une radio automatique, sans personnel ». Réfugié dans une pizzéria de Lille pour se lamenter sur son sort en compagnie d’un technicien (il a pourtant la réputation de ne jamais se laisser démonter), il est abordé par l’un des dissidents de NRJ Group, créateurs de Fun Radio, qui écoutait leur conversation. Embauché par Pierre Lattès, qui l’auditionne « en short et débardeur dans son appartement tout en rotonde, avec des plants de vigne partout et un perroquet au milieu », il devient, à 25 ans, en jean et santiags, directeur régional du groupe Fun Radio, en Isère. « Ma force, dit-il, c’est d’avoir d’emblée fait abstraction de mes origines. » Exercice a priori facile pour cet aîné d’une fratrie de sept, arrivé en France à 2 mois et dont les souvenirs se résument aux collines de pins et aux cerises du Luc-en-Provence, un univers clos protégé par l’uniforme paternel, où il est resté jusqu’à ses 16 ans : « Mes amis, c’était les gars du coin, avec un fort accent du Sud. Nous jouions au football et écoutions Claude François. » Il découvre le continent à travers son père et ses amis, qui allaient combler leur besoin d’Afrique à Fréjus, Toulon, Marseille ou Draguignan dans des bals africains. « J’ai compris plus tard qu’ils avaient besoin d’une terre de substitution. »

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Le temps passe, il erre entre différentes stations locales de Radio France. « Les émissions de Sylvère-Henry révèlent un esprit brillant, libre, éclectique et infatigable », s’enthousiasme la journaliste Anne-Marie Gustave. Longue distance, la tranche matinale de Radio France Internationale qu’il anime de 1993 à 1997, reste l’aventure radiophonique la plus aboutie de ce « métis culturel » admirateur de Barack Obama (il collectionne ses portraits, les ouvrages qui lui sont consacrés et enrage quand on le critique). « Ne pas tomber dans les clichés et les poncifs qui vous installent dans la négritude telle que certains l’imaginent » : c’est son combat politique. Il déteste les partis (même s’il admire François Hollande [PS] et Jean-François Copé [UMP]… et le modèle malien de transition). Membre actif du Club Averroes depuis cinq ans, il a fait de la diversité dans les médias un autre défi. « Hyperactif jamais avare d’engagement », selon sa collègue Élé Asu, il est fier qu’Averroes ait remporté la bataille du doublage, il y a deux ans. « Avant, un Blanc pouvait doubler n’importe quel rôle, tandis qu’un acteur noir doublait systématiquement un Noir ou un métis… » Mais n’allez par croire que la question noire soit une obsession… 

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