Êtes-vous « crédible » ?
Je crois que c’est Voltaire qui disait : « Donnez-moi trois lignes de la main d’un homme et je le fais pendre. » Si l’on y met les moyens, on peut tout faire dire à un mot, à un message, à un détail… Personne n’est tout à fait innocent, notre passé nous accable, chacun traîne des casseroles qu’un bon enquêteur finira par débusquer.
C’est ce que fait redouter cette affaire DSKND – les initiales s’emmêlent aussi intimement que sur la moquette d’une chambre d’hôtel. Au début, on ne savait pas grand-chose de cette ND, sinon qu’elle était une employée modèle, « sans histoires ». Puis l’enquête s’est emballée et les « histoires » se sont mises à pleuvoir. L’employée modèle est devenue prostituée-menteuse-trafiquante de drogue. Si l’enquête continue, on finira par découvrir que c’est elle, cette maudite Nafissatou, qui a assassiné Kennedy en 1963, qui a endommagé la navette spatiale et déclenché la crise financière de 2008. Cela ferait un beau slogan ou une belle une de journal : « Nafissatou, coupable de tout ! »
Heureusement que nous ne sommes pas tous soumis à un examen aussi impitoyable de notre passé. La semaine dernière, après avoir fait mes courses et les avoir payées dans mon supermarché, je me suis rendu compte en sortant que je tenais à la main un petit sachet contenant trois nectarines, que j’avais oublié de présenter à la caisse et donc omis de payer. J’ai haussé les épaules et je suis rentré chez moi. Dans l’économie du cosmos infini, dans le grand plan divin, cet oubli n’a strictement aucune importance. Mais si, dans un mois ou dans un an, je me retrouvais face à des enquêteurs aussi opiniâtres que ceux d’outre-Atlantique, on peut être sûr que cet incident prendrait des proportions bibliques, que les caméras du supermarché montreraient un individu louche – moi – s’esquivant comme un rat visqueux du noble temple de la consommation, que je serais estampillé malfrat. Et surtout, horreur suprême, je ne serais plus « crédible ». Si un type m’assommait ou me cambriolait, mon témoignage n’aurait aucune valeur car l’avocat du type tonnerait : pas crédible, le monsieur, il a volé trois nectarines, il y a dix ans ! Et la presse américaine, puritaine jusqu’au trognon, d’opiner gravement. Le nectarine-thief, ce naufrageur de la civilisation occidentale, ne mérite pas qu’on l’écoute !
Alors, que faire ? Il me semble qu’on devrait inventer une sorte d’appareil plein de biiip et de tuuuuut, un appareil qui servirait à abolir le passé à date fixe, par exemple tous les 31 décembre. À chaque début d’année, nous serions tous aussi crédibles que l’agneau qui vient de naître. On appellerait cet appareil le « crédibilator » – je cours déposer le nom. C’est à ce prix qu’une immigrée africaine pourrait avoir le même poids qu’un éléphant du PS.
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