Côte d’Ivoire : quelle armée pour Ouattara ?

Le nouveau chef de l’État ivoirien n’a pas le choix. S’il veut rapidement rétablir la paix et la sécurité, il lui faut remettre de l’ordre dans les rangs. Et contraindre les ennemis d’hier à travailler ensemble.

L’ex-chef rebelle Chérif Ousmane, alias Papa Guépard a pris le contrôle du Plateau à Abidjan. © Emmanuel Ekra/AP/Sipa

L’ex-chef rebelle Chérif Ousmane, alias Papa Guépard a pris le contrôle du Plateau à Abidjan. © Emmanuel Ekra/AP/Sipa

Publié le 20 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

Cela sonnait comme un aveu. « Les deux premiers défis que nous devons relever sont, bien évidemment, la sécurité des biens et des personnes ainsi que la consolidation de la paix », a martelé le président ivoirien, Alassane Ouattara, en ouverture du séminaire gouvernemental, le 5 juillet à Abidjan. Le lendemain, le chef de l’état procédait à plusieurs nominations entérinant le rapport de force établi trois mois après la chute de Laurent Gbagbo.

L’ancien « patron » des ex-rebelles des Forces nouvelles (FN), le général Soumaïla Bakayoko, avait déjà récupéré les bureaux, au camp Gallieni, du chef d’état-major « sortant », le général Philippe Mangou. à présent, il en a officiellement la fonction, avec comme adjoint le général Detoh Letoh, qui avait rallié, avec ses forces terrestres, Ouattara au début de la bataille d’Abidjan. C’est le premier acte d’une « remise au pas », urgente et impérative, des « corps habillés ».

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En cause, les hommes en armes paradant dans Abidjan et sillonnant l’ensemble du pays. D’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient… Parmi eux, les militaires de carrière, républicains et disciplinés, ont perdu la main. Seigneurs de guerre, combattants recyclés en chefs de gangs, miliciens ou soldats pro-Ouattara de la 25e heure, eux, règnent en maîtres. Sans les patrouilles de l’Onuci et de Licorne, le pire serait à craindre.

Sidéré par une défaite militaire éclair, le gros de la troupe (50 000 hommes) des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) de Gbagbo a déserté. Beaucoup sont partis avec armes et bagages. Dans ces rangs à présent disséminés figurait également la soldatesque de Gbagbo, en partie tribalisée. Elle peut être considérée, aujourd’hui, comme une sorte de cellule dormante potentiellement dangereuse et difficilement recyclable. Exils pour les uns, poursuites judiciaires ou allégeances forcées pour les autres… La matrice de l’ancienne armée a, de fait, disparu.

Impunité

En face, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), créées par Alassane Ouattara avant l’assaut final sur Abidjan sur la base des ex-rebelles, sont incapables, pour l’instant, de justifier leur appellation, rongées de l’intérieur par l’indiscipline et un défaut de commandement sur lesquels prospèrent les fameux comzones. Ils ont fait la loi dans le nord du pays depuis 2002. Ils dupliquent, sans vergogne et sans entrave, à Abidjan leurs méthodes qui n’ont rien à voir avec le bréviaire du parfait soldat.

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« Je voudrais souligner l’importance de la restauration rapide de l’état de droit », a déclaré, le 30 juin, lors d’une conférence de presse, le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin. Voilà pour la déclaration publique. « Pour Ouattara, c’est l’heure de vérité. On va voir s’il est vraiment capable de leadership », tranche un responsable de l’Onuci, qui vient d’installer huit nouvelles bases dans l’Ouest, particulièrement meurtri par les violences postélectorales. Le massacre de Duékoué a livré une bonne part de sa vérité. Mais le sentiment d’impunité demeure. « Les FRCI continuent de sous-traiter l’ordre public aux guerriers dozos, qui établissent des barrages et rackettent les populations », ajoute cet interlocuteur.

« Tout le monde a des hommes en armes, mais personne n’a d’armée », résume un Ivoirien qui travaille à la mise en place de la Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation. La seule ambition de ce fonctionnaire est de retrouver cette « terre d’espérance » et ce « pays de l’hospitalité » chantés dans l’hymne national. En attendant, il se souvient, tout tremblant, de l’arrivée dans son bureau de deux molosses venus capturer un collègue de travail. Ce dernier, victime d’un règlement de compte, n’a dû son salut qu’à l’intervention de hautes personnalités et à la magnanimité d’un comzone, dépêché sur place pour récupérer ses deux sbires. 

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