Égypte : Hussein Tantawi, gare à vous, maréchal !

Adulé en février par les Égyptiens pour avoir refusé de réprimer les manifestants, le chef du Conseil suprême des forces armées est aujourd’hui conspué par la rue. Et contesté par une partie de l’armée.

Recevant Robert Gates, secrétaire américain à la Défense, le 24 mars. © Amel Pain/Reuters/Pool

Recevant Robert Gates, secrétaire américain à la Défense, le 24 mars. © Amel Pain/Reuters/Pool

Publié le 12 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

« Le peuple exige la chute du maréchal Tantawi », scandent les manifestants de la place Al-Tahrir depuis plusieurs jours. L’union sacrée a laissé place à la méfiance. Mohamed Hussein Tantawi, 75 ans, chef du Conseil suprême des forces armées, est en effet jugé responsable d’une série d’abus : répression des protestataires, tests de virginité sur les manifestantes arrêtées, jugements de civils par la justice militaire…

« C’est le patron, le seul que les gens connaissent », explique Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France. Mais aussi le pilier du Conseil, puisqu’il est celui qui a le plus d’ancienneté et le grade le plus élevé, et que « certains membres lui doivent leur place », ajoute le chercheur.

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D’origine nubienne, l’homme est connu pour être « un musulman très conservateur » attaché à « la paix confessionnelle » et à « la paix avec Israël ». La communication avec les journalistes, il laisse à d’autres généraux le soin de s’en charger. Il ne s’exprime qu’en de rares occasions, principalement lors des cérémonies de remise de diplômes de l’Académie militaire. Sous les applaudissements de son auditoire, il se contente généralement de renouveler sa promesse de transmettre le pouvoir aux civils, avant de réaffirmer l’attachement de l’armée à la révolution.

Tantawi fait partie de ces gens « qui faisaient tout pour être sous-estimés », précise Aclimandos. Une discrétion qui lui a permis de faire une brillante carrière sous Moubarak. Il est ainsi un des rares généraux à avoir obtenu le grade de maréchal après avoir gravi les échelons au sein de l’armée de terre. Il a été attaché militaire au Pakistan, chef de la Garde républicaine et enfin commandant en chef des forces armées et ministre de la Défense, poste qu’il occupera près de vingt ans. Sa proximité avec l’ancien régime conduit aujourd’hui les manifestants à douter de sa bonne foi.

Même au sein de l’armée, Tantawi est loin de faire l’unanimité. Une dizaine d’officiers ont été condamnés le 25 mai à dix ans de prison pour avoir manifesté en uniforme, le 8 avril. Des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks le disent préférer la loyauté aux compétences. « Tantawi a mauvaise réputation au sein de l’armée. S’il ne t’aime pas, il peut ruiner ta carrière avant même qu’elle ne commence », explique l’ancien capitaine Cherif Osman, fondateur de l’association des Officiers pour la révolution, condamné en 2005 à trois ans de prison par contumace pour avoir déserté aux États-Unis.

Intentions floues

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Mais Tantawi a eu son heure de gloire. Il a notamment fait partie des ministres qui ont ouvertement critiqué la politique de libéralisation économique et la manière dont le régime gérait le dossier de Gaza, rappelle Aclimandos. Et il y a de fortes chances qu’il ait été opposé au plan de succession héréditaire de Gamal Moubarak. Rim Maguid, présentatrice d’une célèbre émission de télévision, retient, elle, que la hiérarchie militaire a pris des risques en refusant de réprimer la révolution.

À ce jour, les intentions du maréchal restent floues. « On ne sait toujours pas s’il veut la présidence ou non », explique Tewfik Aclimandos. Tantawi cédera-t-il aux appels de ceux qui, comme le célèbre journaliste et écrivain Mohamed Hassanein Heykal, l’invitent à prendre la tête de l’Égypte en cette difficile période de transition ? Ou agira-t-il conformément à une position qu’il avait exprimée en 2009 au sujet du Pakistan : « Un pays où l’armée s’engage dans les affaires internes est condamné à avoir beaucoup de difficultés » ?

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