Tchad : procès Déby, les 45 dernières minutes
Stupeur. Douleur. Colère, aussi. À l’annonce du verdict, le 7 juillet, la famille et les amis de Brahim Déby, réunis à la cour d’assises de Nanterre (région parisienne) ont du mal à cacher leur amertume. Et le hall du tribunal vibre d’une émotion mal contenue. « La justice française a des relents de république bananière », entend-on claquer. Les peines infligées aux bourreaux du fils d’Idriss Déby Itno, le président tchadien, sont bien en deçà de celles requises par l’avocat général, qui avait demandé entre dix ans et vingt ans pour les cinq prévenus. Les jurés en ont décidé autrement : cinq ans à treize ans pour quatre accusés, et un acquittement. Pour Me Jean-Bernard Padaré, l’un des avocats de la famille, « c’est une insulte à la mémoire de Brahim ».
Mort par asphyxie
Le procès a duré une semaine. Sept jours pour comprendre ce qui s’est passé le 2 juillet 2007. Pour reconstituer les quarante-cinq dernières minutes de la vie de Brahim Déby, 27 ans, adepte de soirées arrosées et de substances interdites. « Ils ont mis les meilleurs des meilleurs du 36, quai des Orfèvres [la direction de la police judiciaire, NDLR] sur le coup », confie une source proche du dossier.
Le soleil se lève lorsque la Mercedes de Déby s’engage dans le parking souterrain de sa résidence, à Courbevoie, une banlieue tranquille de Paris. Le jeune homme, en galante compagnie, rentre d’une boîte de nuit parisienne où il a ses habitudes. Quatre hommes cagoulés, portant des brassards de police, surgissent. Deux d’entre eux le plaquent au sol, tandis qu’un troisième tient sa compagne en joue. Brahim se débat, résiste. L’un de ses agresseurs lui envoie une décharge de Taser – un pistolet à impulsion électrique – avant de le traîner, avec son amie, dans la cage d’escalier. Là, il reçoit quelques coups avant d’être ligoté, dépouillé de 50 000 euros, puis aspergé de poudre d’extincteur – pour effacer les traces, apprend-on au cours de l’enquête. Son appartement est retourné en vain par deux des malfrats à la recherche de sa « mallette noire pleine de billets ». Ivre, drogué, le fils du président tchadien meurt étouffé peu après son agression.
Voitures de luxe
Au tribunal, Marin Cioroianu, Dan Batoua, Jaime de Carvalho, Pierre-Claude Messi Ntsama (dans le box des accusés) et Najèbe Oulmoudene (qui a comparu libre) ne font pas les fiers. Présumé cerveau de la bande, Batoua, 31 ans, loueur de voitures de luxe, et Carvalho, 29 ans, son mécanicien, ont reconnu les faits, s’excusant auprès de la famille pour ce « braquage qui a mal tourné ». Ils écopent respectivement de douze ans et neuf ans de prison. Cioroianu, qui nie en bloc, mais dont on a retrouvé la montre et l’ADN sur la scène du crime, est condamné à treize ans de réclusion. « L’ami » de Brahim Déby, Messi Ntsama, qui a servi d’informateur, se voit infliger cinq ans de prison ferme. Quant à Oulmoudene, il est acquitté, à la grande satisfaction de Me Dupond-Moretti, son avocat, pour qui la décision est « conforme au dossier de l’instruction, puisque rien ne l’incrimine formellement ». « C’est un camouflet pour l’avocat général et nous espérons qu’il fera appel », assène Me Padaré.
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