Manassé Aboya Endong : « Les grandes familles n’ont jamais quitté les arcanes du pouvoir camerounais »

Clarisse

Publié le 12 juillet 2011 Lecture : 2 minutes.

Le Cameroun leur appartient
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Jeune Afrique : Quelle est l’origine de ces grandes familles ?

Manassé Aboya Endong : Elles sont issues soit de l’administration, soit des chefferies traditionnelles, soit de la bourgeoisie commerçante. Les premières ont profité des balbutiements de l’État au lendemain de l’indépendance. Il y a eu un rapprochement entre la nouvelle élite, issue de la scolarisation, et le pouvoir traditionnel, représenté par les grandes chefferies (lamido de Garoua, sultanat de Foumban, chefferie de Bandjoun, paramount chief de Kumba). Ces dernières ont donc fourni de grands noms à l’État et à la bourgeoisie naissante, fruit de l’industrialisation nouvelle. Dans le sud et l’ouest du pays, perturbés par les revendications des nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC), l’État a eu recours aux inspecteurs fédéraux (préfets) pour réprimer la rébellion. En récompense, ces derniers ont effectué des carrières exceptionnelles dans la haute administration. Les familles Sabbal Lecco, Fouda ou encore Andzé Tsoungui ont été projetées sur le devant de la scène par ce processus et n’ont plus jamais quitté les arcanes du pouvoir. Incontournables commis de l’État, leurs membres sont rapidement devenus des barons du régime.

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Le Nord et le Littoral n’ont-ils pas connu le même processus ?

Non, très peu. Au départ très impliquées dans le commerce, les familles du Grand Nord sont passées à l’industrie – souvent parrainées par Ahmadou Ahidjo qui leur accordait de nombreuses facilités. C’est le cas des Abbo ou des Fadil. Dans le Littoral, les autochtones qui commerçaient avec les multinationales occidentales ont par la suite accumulé des capitaux et sont devenus incontournables, comme les familles Kondo, Soppo ou Njanga. Quelques grandes lignées de l’Ouest se sont bâties sur le même modèle.

Ces familles sont-elles encore influentes aujourd’hui ?

Dans une certaine mesure, oui. Ce sont elles qui organisent le recrutement politique et pérennisent les réseaux de pouvoir. Paul Biya fait confiance à ces relais locaux pour identifier les personnes à fort potentiel. Pour recruter dans le Noun, par exemple, il passe par le sultan, qui est non seulement un de ses amis, mais aussi celui qui s’exprime au nom des Bamoun. Mais le sultan ne promeut que ceux qui lui font allégeance. Dans ces conditions, l’influence des grandes familles tient aux relations privilégiées qu’elles entretiennent avec le sommet de l’État et à leur capacité à impulser la promotion des élites de leur région. Mais, au fil des ans, la démocratisation a amoindri leur influence : d’autres forces ont émergé, les privant de la gestion sans partage des affaires locales.

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