Christine Lagarde : sauvée par le grand large
Très appréciée sur la scène internationale, celle qui présidait depuis 2007 aux destinées de l’économie française prend la tête du FMI.
Christine Lagarde, élue le 28 juin directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), est une miraculée. En 2008, son sort semble scellé : autant son parcours professionnel, qui l’a conduite à diriger le prestigieux cabinet d’avocats Baker & McKenzie, à Chicago, est brillant, autant sa carrière politique semble compromise.
Recrutée en 2005 comme secrétaire d’État au Commerce extérieur par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, elle est devenue, en 2007, la première femme à diriger le ministère de l’Économie et des Finances, par la volonté de Nicolas Sarkozy. Comme bien des ministres venus de la société civile, elle parle trop franchement. À l’Élysée comme à l’UMP, on s’exaspère quand elle ose prononcer l’expression taboue de « plan de rigueur », ou quand elle conseille aux Français d’enfourcher un vélo pour résister à la hausse du cours du pétrole. Son optimisme inébranlable, qui la pousse à déclarer à plusieurs reprises que « la crise est derrière nous », nuit à sa crédibilité. Ses jours à Bercy semblent comptés.
Revanche
La crise la remet en selle. Son allure de grande bourgeoise égarée parmi les fauves de la politique la sert dans l’arène internationale. Désavouée plusieurs fois par Sarkozy ou par le Premier ministre, François Fillon, sur les problèmes fiscaux ou budgétaires, et même démissionnaire un jour que le président l’a par trop humiliée, elle prend sa revanche en devenant incontournable dans les sommets européens et mondiaux. Oubliés, les débuts laborieux où elle semblait réciter les leçons du directeur du Trésor et du gouverneur de la Banque de France ! Elle maîtrise à merveille le sauvetage des banques, la relance ou la crise grecque. Le grand large la remet à flot.
Beaucoup sont agacés de voir la presse souligner, parmi ses qualités dominantes, son anglais parfait et son exquise courtoisie. Ils ont pourtant été ses deux armes pour débloquer bien des négociations. En humanisant les relations avec ses pairs, non seulement elle a pu obtenir des consensus improbables, mais elle s’est attiré leur estime. Ce n’est pas pour rien que le Financial Times l’a sacrée meilleur ministre européen des Finances de l’année 2009, elle qui était classée bonne dernière deux ans plus tôt.
Elle sera donc, à partir du 5 juillet, la première femme à la tête du FMI. Son intelligence et sa modestie l’ont poussée durant sa campagne à reprendre presque tous les thèmes que défendait Dominique Strauss-Kahn (DSK), son prédécesseur démissionnaire. Elle a promis de poursuivre la réforme du Fonds afin d’y faire aux pays émergents une place correspondant à leur poids économique. Elle a déclaré vouloir développer la surveillance du FMI sur les déséquilibres qui menacent la croissance mondiale, prôné une meilleure régulation des activités financières et s’est inquiétée de ce que la reprise ne génère pas assez d’emplois.
Elle n’aura pas le culot de DSK, qui savait bousculer les députés allemands pour qu’ils secourent la Grèce ou persuader les Européens de faire de la place aux pays émergents. Elle n’aura pas non plus sa vision à long terme d’un multilatéralisme à consolider face au retour des égoïsmes nationaux. En revanche, elle devrait amadouer son futur numéro deux, l’Américain David Lipton, venu de la Maison-Blanche, tout comme le Chinois qu’elle ne manquera pas de nommer à ses côtés. Elle oubliera que Nicolas Sarkozy, un brin nombriliste, a qualifié sa nomination au FMI – à laquelle il n’a pas cru d’emblée – de « victoire pour la France » et saura faire entendre sa voix au nom des 187 États membres du FMI. En anglais et en souriant, quelle que soit la force de la tempête.
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