Tunisie : Nadia el-Fani, sans dieu ni maître
La réalisatrice tunisienne est la nouvelle cible des islamistes radicaux. Ses « crimes » : poser la question de la place de la religion dans son dernier film et, surtout, s’être déclarée athée. Inquiétant…
Elle est celle par qui le scandale arrive ; en osant réclamer une place pour la laïcité, Nadia el-Fani s’attire la hargne des islamistes. Son dernier documentaire, Ni Allah, ni maître ! déclenche une violente polémique. Le 26 juin, lors de l’événement « Touche pas à mes créateurs » organisé par le collectif associatif Lam Echaml, une centaine de salafistes du mouvement (non autorisé) Hizb Ettahrir ont saccagé la salle CinemAfricArt, sauvagement attaqué son directeur et menacé le public pour empêcher la projection du film, où la réalisatrice se met en scène en train de discuter avec des Tunisiens sur la place de la religion dans la société.
Depuis la révolution, qui les a soustraits à la chape de plomb du régime Ben Ali, les islamistes les plus radicaux affichent clairement leur profonde hostilité envers l’art et, plus généralement, toute forme de liberté d’expression. Après l’agression, en avril, du réalisateur Nouri Bouzid – frappé à la tête avec une barre de fer peu après avoir appelé à l’inscription de la laïcité dans la Constitution –, c’est donc au tour de Nadia el-Fani de cristalliser la vindicte des salafistes.
Fille d’un ex-dirigeant du Parti communiste tunisien, cette quinquagénaire n’en est pas à sa première provocation ; dans ses courts-métrages tels que Fifty-fifty, mon amour, elle a osé aborder des thématiques aussi taboues que le corps et l’homosexualité. Fin avril dernier, elle a affirmé haut et fort, sur la chaîne Hannibal TV, son athéisme. Depuis, le crâne dégarni – conséquence d’une chimiothérapie pour lutter contre un cancer du sein –, elle persiste et revendique la liberté de conscience. Cependant, face à la polémique, elle a préféré changer le titre de son film, rebaptisé… Laïcité, Inch’Allah.
Subversif
Dans le contexte confus et tendu de la transition vers la démocratie, le thème de la laïcité, mal expliqué et mal perçu, cristallise toutes les attentions. D’autant que, comme les événements du CinemAfricArt le prouvent, les salafistes ne se contentent plus de donner de la voix. Toutefois, le 26 juin, ils se sont trompés de cible ; la salle projetait en même temps un documentaire consacré au penseur égyptien Nasr Hamed Abou Zayd (décédé en 2010), condamné pour apostasie, mais qui continua, en exil, à développer et à exposer ses exégèses controversées du Coran. Bien plus subversif…
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