Guinée : la cinquantaine swingante du Bembeya Jazz National
Né en 1961, le Bembeya Jazz National est le vétéran guinéen des orchestres ouest-africains. Aujourd’hui encore, avec une formation rajeunie, son répertoire, synthèse des styles afro-cubain et mandingue, et son niveau instrumental restent inégalés.
Guinée : L’effet Alpha
Décidément, le Bembeya Jazz National, groupe mythique des quinquas africains de gauche, a son jour porte-bonheur : le 15 avril. C’est un 15 avril qu’il est né, en 1961 à Beyla, en Guinée forestière, avec le parrainage du gouverneur de région de l’époque – Émile Condé, mort deux décennies plus tard au camp Boiro. Et c’est un 15 avril, à Bamako, en 2011, que, désigné « meilleur orchestre africain des cinquante dernières années », il reçoit le Tamani d’or. La distinction malienne est pourtant rarement attribuée aux étrangers.
Chevaliers du mérite
Sauf qu’au Mali le Bembeya n’est pas vraiment un étranger. « Il est l’orchestre de chevet de toute une génération », commentait le président malien Amadou Toumani Touré (ATT), grand fan, en recevant le groupe à Koulouba, en 2008. « Depuis 1992, chaque fois qu’il est à Conakry, ATT nous reçoit. Et il nous a invités à son investiture, en 2002 », renchérit Hamidou Diaouné, l’ancien chef d’orchestre, qui, à 72 ans, se porte comme un charme.
Reste que les Guinéens apprécièrent peu que le Bembeya ait fêté son 50e anniversaire à Bamako. « Erreur » corrigée un mois plus tard, le 27 mai dernier, lors d’une nouvelle cérémonie à Conakry au cours de laquelle le Premier ministre guinéen, Mohamed Saïd Fofana, a fait part de la décision du chef de l’État d’élever au rang de chevaliers de l’ordre national du Mérite tous les membres de l’orchestre – y compris, à titre posthume, ses disparus. Après les discours, les décorations et les prestations de quelques groupes et vedettes de la musique guinéenne, le big band a mis le feu au Palais du peuple de Conakry. Comme au bon vieux temps. Mais aussi avec la patine et les affres des années…
Un niveau instruemental inégalé
Le charismatique chanteur du groupe, Camara Aboubacar Demba, a été tué dans un accident de la route à Dakar en 1973. Depuis, Kaba Salif, deuxième chanteur et ombre de la star disparue, a pris le relais, mais il connaît des problèmes de santé. La section vocale reste cependant magique.
Le niveau instrumental de l’orchestre demeure quant à lui inégalé. Même si trois autres stars du groupe sont décédées : Mangala, « l’as de la batterie », Siaka, « le roi de la toumba », et Mory Djeli Kouyaté, le bassiste discret, qui « était pourtant la charpente de l’orchestre », selon Hamidou Diaouné, qui a passé le témoin de directeur musical au « guitariste de charme » Sékou Bembeya Diabaté, alias « Diamond Fingers ». La soixantaine passée, ce dernier reste « le plus jeune des anciens », parmi lesquels les trompettistes Kaba Achkène et Gros Bois, ainsi que le saxophoniste Doré Clément, revenu à Conakry après neuf ans « d’exil » dans son Bénin natal.
Inoxydable
Un groupe de treize musiciens : c’est cela le nouveau Bembeya, qui promet de jouer bientôt régulièrement au Club Bembeya, dans le quartier de Kaloum. Sékou Bembeya Diabaté aime toujours monter sur scène. Mais les autres aînés se soucient plutôt de former les « jeunes » : deux guitaristes – Sékou Diabaté, un nom prédestiné, et Sidi Diabaté –, puis cinq instrumentistes à vent, venus pour la plupart de la Fanfare des scouts, parmi lesquels Fodé Salifou, Aboubacar Bangoura Sam et Abdoulaye Touré. Il y a aussi les trois chanteurs : Mbemba Camara, Mamadi Fodé Mognonko et Youssouf Ba, un ex-membre de l’orchestre Camayenne Sofa.
Le nouveau credo de l’orchestre ? Reprendre à la perfection le répertoire inoxydable des aînés qui, eux, veillent au grain. Pour Hamidou Diaouné, le modèle, c’est l’Orquesta Aragón de La Havane : les générations transmettent leur art et le répertoire résiste au temps. Sur ce plan, les Conakrykas ont déjà trouvé un sobriquet pour le nouveau Bembeya : « Photocopie ». Mais, en Guinée comme ailleurs, le défi pour la copie est de valoir l’original.
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