Libye : Béchir Salah Béchir, le dernier kaddafomane

Profitant des nombreuses défections dans l’entourage du « Guide », Béchir Salah Béchir a connu une ascension fulgurante en Libye. Au point de devenir le quasi-numéro deux du régime.

Béchir Salah Béchir se dit prêt à mourir aux côtés de Kaddafi, son Pygmalion. © D.R.

Béchir Salah Béchir se dit prêt à mourir aux côtés de Kaddafi, son Pygmalion. © D.R.

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 1 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

Lorsque l’émissaire russe pour la Libye Mikhaïl Margelov évoquait, il y a peu, l’existence de « contacts » entre des proches de Kadhafi et des insurgés à Paris et à Pretoria, c’est à lui qu’il pensait. Sa présence a en effet été signalée, il y a une dizaine de jours, dans la capitale française. Béchir Salah Béchir, 64 ans, directeur de cabinet du « Guide », a longtemps été négligé par les observateurs : personnalité affable et plutôt effacée, il ne pèse ni sur l’échiquier tribal ni au sein de l’appareil sécuritaire. Mais dans la Libye en guerre, alors que l’entourage fidèle au dictateur se réduit comme peau de chagrin, son ascension a été fulgurante. Au point de devenir aujourd’hui le vrai Premier ministre et le quasi-numéro deux du « Kadhafiland » assiégé.

L’un des très rares proches du colonel à bénéficier encore de sa confiance, Béchir Salah est né en 1946 à Traghan, petite palmeraie du Sud, à une cinquantaine de kilomètres de Mourzouk. Il apprend le français au Tchad voisin, devient enseignant dans un collège de Sebha et milite très jeune au sein de l’opposition à la monarchie. Au lendemain du 1er septembre 1969, le Conseil de la révolution en fait un ambassadeur : en Centrafrique d’abord, puis en Tanzanie et en Algérie. Au milieu des années 1980, le voici gouverneur de son Fezzan natal, poste qu’il occupera jusqu’en 1992, quand il rejoint le ministère des Affaires étrangères en tant que directeur du protocole d’État. C’est là que Kadhafi le remarque vraiment. En 1998, Béchir Salah devient le directeur de cabinet de celui qui a toujours été son unique modèle.

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Le messager

Depuis, cet homme qui n’a pas son pareil pour rendre logiques et rationnels les discours et décisions les plus invraisemblables de son patron est devenu progressivement incontournable. La communication extérieure du « Guide » sur le continent africain, avec financement de journaux, radios et agences de presse à l’appui, c’est lui, tout comme le grotesque « Forum des rois, sultans, princes, cheikhs et chefs coutumiers d’Afrique ». Il le fait à la libyenne, sans états d’âme et avec la conviction que tout s’achète, y compris les consciences.

De passage à Paris en 2007, l’Élysée lui déroule le tapis rouge.

À partir de 2006, Béchir Salah prend une tout autre envergure. Cette année-là, Kadhafi le place à la tête du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), fonds d’investissement doté de 8 milliards de dollars et de multiples tentacules. La compagnie aérienne Afriqiyah, le distributeur Oil Libya, l’opérateur Green Networks, plusieurs banques de développement, l’étrange Fondation Teresys basée à Saint-Marin, la chaîne d’hôtels Laico et le très opaque LAP Suisse SA tombent ainsi dans son escarcelle. Une position de puissance qui lui vaut de porter régulièrement les messages du « Guide » et d’être reçu au plus haut niveau partout où il se rend – particulièrement en Afrique. De passage à Paris en décembre 2007, l’Élysée de Nicolas Sarkozy, où officie Claude Guéant, lui déroule le tapis rouge. Tout comme les patrons d’Airbus, d’Arianespace, de Lafarge, de Total et de quelques autres grands groupes.

Depuis mars 2011, le vent a tourné. Placé sur la liste des personnalités sous sanctions américaines et européennes, ses avoirs à l’étranger gelés – tout comme les fonds extérieurs du LAP –, Béchir Salah Béchir n’est même plus en mesure d’utiliser la demi-douzaine de passeports diplomatiques africains (sénégalais, notamment) dont ses hôtes reconnaissants le gratifiaient en des temps meilleurs : tous périmés. À Tripoli, où ses relations avec Seif el-Islam, le fils aîné de Kadhafi, se sont considérablement dégradées – il est même monté au créneau début avril pour démentir que ce dernier joue le moindre rôle dans les négociations : « C’est faux. Seul le ministre des Affaires étrangères a ce pouvoir » –, le « dircab » du « Guide » se dit prêt à mourir aux côtés de son Pygmalion. S’il n’en reste qu’un…

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